En visite en Birmanie, le secrétaire d'État américain, Rex Tillerson, s'est dit opposé à toute sanction contre la Birmanie, mais s'est prononcé en faveur d'une enquête crédible et impartiale sur les violences à l'origine de l'exode des Rohingyas.
Pas de sanctions contre la Birmanie pour Washington. Au côté de la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson s'est dit opposé, mercredi 15 novembre, à des mesures répressives contre Naypyidaw, mais a réclamé une enquête "crédible" sur les accusations de nettoyage ethnique des musulmans rohingyas par l'armée. Depuis fin août, la Birmanie est dans la tourmente, accusée par les Nations unies d'"épuration ethnique" de cette minorité qui vit dans l'ouest du pays.
"Des sanctions économiques globales ne sont pas quelque chose que je recommanderais pour l'heure", a expliqué le secrétaire d'État américain après ses rencontres, séparées, avec la dirigeante Aung San Suu Kyi et le chef de l'armée birmane. Jusqu'ici, les États-Unis, comme d'autres pays occidentaux, ont seulement renforcé quelques mesures punitives contre l'armée birmane.
"Crimes contre l'humanité"
Se disant "inquiet des informations crédibles d'atrocités commises à grande échelle par l'armée et des milices", il a appelé à la mise en place d'une commission d'enquête indépendante qui "serait utile à tout le monde". Des milices bouddhistes ultranationalistes sont accusées de seconder l'armée dans ses exactions.
"Nous savons que ce qui s'est passé dans l'État d'Arakan présente plusieurs caractéristiques de crimes contre l'humanité. Quant à savoir s'il s'agit d'un nettoyage ethnique, nous continuons à évaluer" la situation, a-t-il encore déclaré.
La prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi s'est défendue pour sa part d'"être restée silencieuse" sur ce drame, alors qu'elle est critiquée sur la scène internationale pour son manque d'empathie envers cette minorité persécutée.
En réponse à des attaques de la rébellion rohingya, l'armée birmane mène dans l'État d'Arakan une campagne de représailles. Les plus de 600 000 réfugiés partis depuis fin août au Bangladesh, dont la moitié sont des enfants, ont témoigné d'exactions, viols ou meurtres de la part des soldats birmans, accusés de vouloir vider la région des musulmans.
Depuis, certains pays et les organisations de défense des droits de l'Homme ont appelé à imposer de nouvelles sanctions à la Birmanie, qui a longtemps été isolée sur la scène internationale en réponse à la dictature militaire.
Un périlleux exercice d'équilibriste
Les Rohingya représentent la plus grande population apatride du monde depuis que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, sous le régime militaire. Victimes de discriminations, ils n'ont pas de papiers d'identité, ne peuvent pas voyager ou se marier sans autorisation. Et ils n'ont accès ni au marché du travail, ni aux services publics comme les écoles et hôpitaux.
Face au secrétaire d'État américain, Aung San Suu Kyi, qui n'a cessé depuis le début de la crise de demander du temps pour gérer un dossier très complexe, a loué "l'ouverture d'esprit" de Tillerson, "une chose très rare de nos jours".
Les États-Unis, comme la majorité des pays occidentaux, tentent de préserver un équilibre qui complique leur action. Depuis le début de la crise, ils prennent soin de ne pas blâmer Aung San Suu Kyi, faisant la distinction entre le gouvernement civil de la prix Nobel de la paix et les militaires.
Elle doit composer avec une armée qui est à la manœuvre sur le terrain et sur laquelle elle n'a pas réellement de pouvoir, et une opinion publique largement xénophobe et antimusulmane.
Avec AFP