logo

"Le troisième sexe" en passe d'être reconnu en Allemagne

La Cour constitutionnelle allemande a jugé que la possibilité d'inscrire "un troisième sexe" - autre que féminin ou masculin - sur les documents officiels devait être reconnue par la loi.

L'Allemagne à la rencontre du troisième sexe. Vanja a gagné : la Cour constitutionnelle allemande a jugé, jeudi 8 novembre, que cette Allemande devait avoir le droit d'inscrire sur son acte de naissance un "troisième sexe", différent des traditionnels "masculin" et "féminin". La décision concerne les personnes intersexuelles qui ne se sentent ni homme ni femme et disposent des caractéristiques des deux sexes.

#BVerfG Personenstandsrecht muss weiteren positiven Geschlechtseintrag zulassen https://t.co/33HNaKlZYZ

  BVerfG (@BVerfG) 8 novembre 2017

Ce jugement, très attendu, est l'aboutissement d'un combat légal débuté en 2014 par Vanja, qui cherche à modifier l'inscription "femme" sur ses documents officiels par celle d'"inter/divers".

Loi "discriminatoire"

Elle avait échoué à convaincre les juridictions inférieures du bien-fondé de sa demande, malgré des analyses médicales qui attestent qu'elle a à la fois des caractéristiques masculines et féminines. En 2016, la Cour fédérale de justice avait débouté Vanja en arguant que la loi ne prévoyait pas de troisième option.

La plus haute juridiction allemande a adopté une autre approche. Elle a estimé que la loi était "discriminatoire" à l'égard des personnes intersexuelles car elle les obligeait à se définir négativement par rapport à "la classification sexuelle qui est une donnée très importante de l'identité individuelle". Le jugement affirme qu'une personne intersexuelle doit pouvoir opter pour toute "désignation positive de son sexe" sur ses papiers d'identité.

Les juges ont laissé au législateur jusqu'à fin 2018 pour adapter les textes de loi à cette nouvelle réalité juridique. Le ministère de l'Intérieur, compétent sur ce dossier, s'est déclaré "disposé" à appliquer le jugement de la Cour constitutionnelle.

L'inscription du "troisième sexe" dans la loi fera de l'Allemagne le premier pays européen à reconnaître légalement son existence. Seule une poignée d'États au niveau mondial - comme l'Inde, la Nouvelle-Zélande ou encore le Pakistan - font de même. En France, la Cour de cassation avait refusé, en mai 2017, l'inscription de la mention "sexe neutre" dans l'acte de naissance.

La fin du "mesdames et messieurs"

En Allemagne, une première porte à cette reconnaissance avait été ouverte en 2013. Une loi avait alors accordé le droit aux parents de ne cocher aucune mention sexuelle sur l'acte de naissance d'un enfant intersexuel. Mais pour l'association allemande "Dritte Option" (Troisième choix), cette solution n'est pas satisfaisante car les personnes concernées - l'Allemagne compte environ 80 000 intersexuels - n'ont légalement aucune identité sexuelle. C'est cette ambigüité que la décision de la Cour constitutionnelle vise à lever.

La décision a été qualifiée de "petite révolution" par "Dritte Option", qui avait par ailleurs soutenu l'action en justice de Vanja. La Haute autorité fédérale contre les discriminations a évoqué, quant à elle, une avancée "historique" dont toutes les implications ne sont pas encore évidentes.

"C'est une révolution à la fois juridique et sociétale", assure le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung. La reconnaissance d'un "troisième sexe" oblige, en effet, de "sortir du mode de pensée binaire homme/femme qui régit une partie des rapports humains", souligne le journal.

Concrètement, les bouleversements risquent d'être nombreux dans les années à venir. Des petits, comme l'habitude à prendre de ne plus s'adresser à une foule en commençant par "mesdames et messieurs", des moins petits, tels que les règles sur la répartition en groupe selon le sexe pendant les cours de sport, et des très importants, comme les réflexions juridiques sur l'implication de ce troisième sexe dans le droit matrimonial.