Onze princes et des dizaines de ministres, anciens et actuels, ont été arrêtés samedi soir en Arabie saoudite, sur ordre d'un nouvel organe de lutte anti-corruption, dont la direction a été confiée au prince héritier Mohammed ben Salmane.
Onze princes et des dizaines de ministres, anciens et actuels, ont été arrêtés, samedi 4 novembre, en Arabie saoudite, dans le cadre d’une opération anti-corruption. Parallèlement, les puissants chefs de la Garde nationale saoudienne, une force d'élite intérieure, et de la Marine ont été limogés.
Ces arrestations et limogeages sont intervenus quelques heures après la création, par décret royal, d'une commission anti-corruption dirigée par le prince héritier et homme fort du royaume ultra-conservateur, Mohammed ben Salmane (MBS), âgé de 32 ans.
Selon la chaîne satellitaire Al-Arabiya, à capitaux saoudiens, onze princes, quatre ministres et des dizaines d'anciens ministres ont été arrêtés alors que la commission a lancé une enquête sur les inondations qui ont dévasté en 2009 la ville portuaire de Jeddah, sur la mer Rouge, à la suite de pluies torrentielles, faisant une centaine de morts.
Onde de choc
L'agence de presse officielle saoudienne SPA a indiqué que le but de la commission était de "préserver l'argent public, punir les personnes corrompues et ceux qui profitent de leur position". Le conseil des religieux a rapidement réagi sur son compte Twitter en affirmant que la lutte contre la corruption était "aussi importante que le combat contre le terrorisme".
Parmi les personnes arrêtées figure le très influent prince et milliardaire Al-Walid ben Talal, selon un haut responsable de la Kingdom Holding Company, détenue à 95 % par le prince. Une source aéroportuaire a par ailleurs indiqué à l'AFP que les forces de sécurité avaient cloué au sol des avions privés à Jeddah, pour empêcher que certaines personnalités ne quittent le territoire.
"L'étendue et l'ampleur de ces arrestations semblent être sans précédent dans l'histoire moderne de l'Arabie saoudite", a affirmé à l'AFP Kristian Ulrichsen, spécialiste du Golfe à l'institut Baker de l'université Rice, aux États-Unis. Si la détention du prince Al-Walid ben Talal se confirme, elle constituera une onde de choc sur le plan intérieur et dans le monde des affaires internationales".
Une Arabie "modérée"
Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l'économie, Mohammed ben Salmane semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans.
"Il est en train de préparer son règne et essaie de nettoyer au mieux le royaume, observe Clarence Rodriguez, journaliste spécialiste de l’Arabie saoudite interrogée par France 24. Il essaie de diviser pour mieux régner car on parle aujourd'hui des princes et des ministres, mais il y a quelques semaines des intellectuels et des religieux ont été jetés en prison. On assiste à une grande mutation pour le pays mais, attention, cela va très vite pour la population. Cela va indéniablement créé des tensions au sein de la famille royale mais aussi au sein de la population."
Fin octobre, "MBS" avait promis une Arabie "modérée", en rupture avec l'image d'un pays longtemps considéré comme l'exportateur du wahhabisme, une version rigoriste de l'islam qui a nourri nombre de jihadistes à travers le monde.
"Nous n'allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d'idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant", avait-il assuré sous les applaudissements des participants à un forum économique baptisé le "Davos dans le désert" qui avait attiré 2 500 décideurs du monde entier.
Le jeune prince a lancé plusieurs chantiers de réformes – droit de conduire pour les femmes et ouvertures de cinémas notamment – qui marquent le plus grand bouleversement culturel et économique de l'histoire moderne du royaume, avec une marginalisation de fait de la caste des religieux conservateurs.
Dans le même temps, il a œuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment en septembre à une vague d'arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.
Avec AFP