
Le "Wikipédien" Rémi Mathis vient d'annoncer son départ de Wikimédia France, évoquant dans un billet Medium "un comportement de meute" et des faits de harcèlement à l'encontre de plusieurs membres, dont l'ancienne directrice de l'organisation.
Mise à jour du 20/10/17 à 15:01 : Rémi Mathis a modifié son billet de blog après avoir reçu une mise en demeure de l'avocate de M. Henner pour des propos susceptibles de constituer une infraction en diffamation. Il a ainsi retiré toute mention de harcèlement "sexuel". De fait, nous avons retiré cette mention de notre titre et de la citation** de Rémi Mathis.
Mise à jour du 19/10/17 à 12:45 : Une source proche de l'affaire nous a apporté la preuve qu'une plainte pour harcèlement moral dans le cadre du travail (et non sexuel, comme avancé précémment), avait bien été déposée au commissariat du 2ème arrondissement de Paris, le 12 juillet dernier.
La crise de gouvernance que traverse Wikimédia France, l’organisation chargée de la promotion de l’encyclopédie collaborative (à ne pas confondre avec l'encyclopédie elle-même) ne semble pas être prête de toucher à sa fin. Après des exclusions d'adhérents, des licenciements ou encore des coupes budgétaires, ce sont cette fois des accusions de harcèlement qui viennent s'ajouter au marasme dans lequel est plongé la fondation depuis de longs mois. Rémi Mathis, directeur de la structure de 2011 à 2012, a dénoncé dans un post publié sur Medium mardi les "violences" et le "sexisme" qui règnent au sein de la structure. Il a annonce également son départ du conseil scientifique de Wikimédia France, qu’il précise motivé par "l’inaction de WM France" face à de multiples plaintes en interne.
Dans un tweet faisant suite à sa publication, il ajoute que trois autres membres ont eux-aussi décidé de claquer la porte du conseil, à savoir le mathématicien et député LREM Cédric Villani, l’écrivain Frédéric Martel et le conservateur et président du musée Picasso à Paris Laurent Le Bon. Rémi Mathis évoque "un comportement de meute" qui a mené au départ de la directrice exécutive, Nathalie Martin, le 2 septembre dernier, "au terme d’un harcèlement qui l’a conduite à porter plainte contre 12 personnes".
Le Wikipédien fait également état de "la plainte** qu’avait déjà portée Nathalie Martin contre l’ancien président, Christophe Henner, désormais président de la Wikimedia Foundation — la structure internationale". Si Christophe Henner a en effet occupé le poste de président de Wikimédia France jusqu'à l'été 2016, on ne sait à quand remonteraient les faits prétendus de harcèlement ni la plainte en elle-même. En septembre dernier, Le Monde avait relayé le mail de départ de Nathalie Martin, adressé à tous les adhérents de Wikimédia France, et dans lequel cette dernière évoquait un "climat délétère". "Quelques personnes, pour des motivations obscures et peu compatibles avec l’intérêt collectif de notre action, n’ont eu de cesse de me calomnier et de me harceler", écrivait-elle. "Compte tenu de cette situation de violence gratuite et incessante, mon départ devenait inévitable".
Christophe Henner assure "découvrir, stupéfait, qu’une enquête judiciaire a été ouverte à [son] encontre"
De son côté, Christophe Henner, que nous avons pu contacter, affirme "découvrir, stupéfait, qu’une enquête judiciaire avait été ouverte à son encontre suite à une plainte de Mme Martin". "Je n’ai jamais été auditionné ou fait l’objet d’une quelconque mesure de la part des policiers", a-t-il poursuivi lors d’un échange en privé sur Twitter. Après vérification, son avocate assure "qu'aucune plainte n'a à ce jour été enregistrée contre M. Henner". "Ce qui ne veut pas dire qu'une plainte n'a pas été déposée", précise-t-elle ,"mais si celle-ci a bien été déposée durant l'été, on devrait en trouver la trace malgré parfois certains délais".
"Ce qu'il écrit n'est tout simplement pas la vérité"
D'autres membres de l'organisation, comme Florence Devouard, présidente du conseil d'administration de la Wikimedia Fondation de 2004 à 2008, contestent sur Twitter les allégations de Rémi Mathis.
Je serais brève. Ce texte est tout simplement un tissu de mensonges. Pour moi, il n’y a rien d’autre à en dire. (Inutile de me répondre).
— Florence Devouard (@Anthere) 17 octobre 2017
Cette dernière nous a transmis le mail envoyé de sa main ce mercredi matin aux membres de l'association. "Le message de Rémi Mathis relate une histoire qui n'est pas la nôtre. Ce n'est pas ce que nous avons vécu", affirme-t-elle. "Je ne nie pas l'angoisse terrible de Rémi. Il croit ce qu'il écrit. Mais ce qu'il écrit n'est tout simplement pas la vérité." Mais alors pourquoi Rémi Mathis "n'écrirait pas la vérité" ? "Mme Martin a besoin que les informations négatives sur elle disparaîssent. Sa méthode d’action, confirmée par de nombreuses personnes, est la peur. Elle terrorise les gens en les menaçant à tout va. Elle envoie des courriers de menaces, porte plainte etc. Ce qui est en revanche incompréhensible pour la plupart d’entre nous, est comment Rémi a pu être manipulé à ce point. C’est un mystère."*
Qu'en dit la Wikimedia Foundation ?
Outre-Atlantique, la Wikimedia Foundation – dont dépend Wikimédia France – nous assure qu'elle réagira prochainement à l'affaire. Car pour Rémi Mathis, avec qui nous avons également pu échanger par écrit, ce billet Medium n'est pas seulement l'occasion de dénoncer des agissements attribués à Christophe Henner et à d'autres membres de la branche française : il s'agit avant tout pour lui de pointer du doigt l'immobilisme de leur maison-mère face à ces signalements, qu'il assure effectués à maintes reprises au cours de cette dernière année.
"Mon billet n'est pas pour dénoncer Christophe : je laisse la justice faire son boulot. Ce qui m'énerve, c'est que la Wikimedia Foundation renonce à faire son boulot pour sauver son président." Nous mettrons à jour cet article lorsque nous aurons obtenu la déclaration de la Wikimedia Foundation.
*Mise à jour du 18/10/17 à 16h15.
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