Interrogée par France 24, Samantha Panagrosso, ex-mannequin, livre un nouveau témoignage accablant contre Harvey Weinstein, le producteur américain accusé de viol et de harcèlement sexuel par des dizaines de femmes en France et aux États-Unis.
"Il y a beaucoup de machos dans le cinéma mais Harvey, c’est le plus gros des porcs", lâche de but en blanc Samantha Panagrosso, ancienne mannequin, familière du milieu. Interrogée par France 24, cette Italienne de 42 ans vivant à Paris revient sur des faits qui remontent à 2003, lors du Festival de Cannes. Puissant soutien du cinéma français et magnat d’Hollywood, Harvey Weinstein s’y montre tous les ans. Il y décroche plusieurs fois la Palme d'or avec les films de Steven Soderbergh, Quentin Tarantino ou Michael Moore.
Mais le producteur et cofondateur de Miramax ne se contente pas des trophées Chopard. Il lui faut aussi les femmes. Dans les coulisses du festival, derrière les paillettes et le tapis rouge, se joue le plus sordide des scénarios. Weinstein, connu localement pour ses soirées "partouze et coke", comme le rapporte Le Parisien, hésite rarement à poser ses mains sur la cuisse d’une femme. Consentante ou non. C’est ce qui arrive à Samantha Panagrosso. Comme plusieurs actrices françaises et américaines, dont trois l'accusent de viol, elle prend la parole.
Aujourd’hui directrice artistique dans la mode, elle est en 2003 mannequin de renommée internationale, multipliant les allers et retours entre Paris, Milan et Los Angeles. "J’ai rencontré Harvey [Weinstein] grâce à…, commence-t-elle, avant de se reprendre. Non, pas grâce, à cause d’amis communs. Mes amis m’hébergeaient sur leur bateau. Harvey y venait tout le temps. C’est là qu’il m’a fait des avances pour la première fois", témoigne Samantha Panagrosso .
"Je suis le chien de Samantha"
"Dès le premier dîner, il m’a fait des allusions sexuelles. Il était à côté de moi, il faisait des blagues très lourdingues et me regardait sans cesse avec des yeux libidineux. Soudain, il s’est mis à genoux devant tout le monde, en disant : 'Je suis le chien de Samantha !'. J’étais très mal à l’aise, tout le monde riait", poursuit-elle.
Cette première approche ne mène le producteur à rien mais ne le détourne pas pour autant. "Le lendemain, on s’est retrouvé avec des amis à l’hôtel du Cap-Eden-Rock [à Antibes]. Dans la piscine, il a essayé de me toucher, je l’ai repoussé, il croyait que c’était un jeu. Après, il s’est tourné vers un autre mannequin, très jeune, en me disant : 'Toi, tu ne veux pas. Mais elle, je vais l’avoir. Je vais la faire venir dans ma chambre pour un bout d’essai'."
"C’est comme ça qu’il procédait", explique-elle, évoquant un "système" impliquant tout son entourage. Samantha évoque ceux qui jouaient le jeu, les assistants menant les jeunes proies dans ses chambres d’hôtel. Ou cet homme, "un Italien", qui le suivait partout : "Il travaillait officiellement chez Miramax mais en fait, c’était son maquereau. Il était toujours avec lui et il lui ramenait des filles".
"Quand une femme dit 'non', c’est non !"
De déjeuner en dîner, Harvey Weinstein ne lâche pas sa proie malgré ses refus répétés. "Plus je résistais, plus ça l’excitait. C’était très malsain. Il n’arrêtait pas de me dire qu’il allait faire de moi une star. Il pensait m’impressionner en énumérant le nom de toutes les filles avec qui il avait couché : il énumérait les fellations, les relations sexuelles en espérant me convaincre. Comme s’il fallait forcément en passer par là."
Le producteur finit par passer à l’attaque. "Je ne voulais plus dîner avec lui alors, un soir, j’ai dit que j’étais malade. Il a demandé à son assistante d’aller me chercher des médicaments et il a débarqué dans ma cabine avec de l’aspirine", poursuit Samantha. "Il a sorti un flacon d’huile et m’a proposé de me masser. Il me disait : 'Je vais te faire du bien'. J’ai refusé, il a insisté. 'Alors tu n’as qu’à me masser !' Il perdait patience : 'Allez, fais-moi quelque chose ! Montre-moi tes seins au moins !', lance-t-il à Samantha, qui raconte avoir été poussée sur le lit où Weinstein l’a maintenue de force. "Je suis grande mais lui il est très grand, il est gros, il est fort. Ce n’est pas évident de le pousser dehors. Il pensait que je jouais avec lui. Mais quand une femme dit 'non', c’est non !".
Samantha Panagrosso ne se laisse pas démonter pour autant : "Quand il a voulu me toucher, je lui ai dit fermement : ‘Ça suffit, je veux que tu sortes’. Alors, d’un coup, c’est comme s’il reprenait sa lucidité, il s’est relevé, comme résigné. Mais il restait debout, un peu hagard, et ça m’a encore pris un certain temps pour le faire sortir".
"Tout le monde savait, personne ne parlait"
Quand Samantha Panagrosso raconte cet épisode à un ami "du milieu", elle ne déclenche ni stupeur ni colère. Ses confidences n’offusquent pas. Pire, elles font sourire : "Voyons Samantha, tu connaissais Harvey...", s’entend-elle répondre. Face à la récente déferlante de témoignages, ce même "ami" lui conseille de garder le silence : "C’est pas comme si tu avais refusé de diner avec lui… Sois plus intelligente, dis qu’il t’a toujours respectée".
Harvey Weinstein a, selon elle, toujours bénéficié d’une certaine complaisance dans son entourage : "Tout le monde savait mais personne ne parlait. […] Beaucoup d’hommes parlent aujourd’hui, mais ils sont nombreux à avoir cautionné ça. S’ils parlent aujourd’hui, c’est pour laver leur image publiquement". Les témoignages – comme celui l’actrice Rose McGowan – accusant publiquement des acteurs d’avoir gardé l e silence pour protéger le magnat de Hollywood se multiplient.
L'actrice Rose McGowan sur Twitter Ben Affleck de s'être tu pour protéger Weinstein
You want to play let's play #ROSEARMY pic.twitter.com/uqd26Z78gc
rose mcgowan (@rosemcgowan) 10 octobre 2017"Tout le monde avait quelque chose à y gagner. Moi je n’avais rien à gagner. Je ne voulais pas être actrice mais pour celles qui voulaient faire carrière, c’était très dur de lui échapper ou de le confronter", estime Samantha Panagrosso . Aujourd’hui, elle se réjouit que des enquêtes aient été ouvertes aux États-Unis et au Royaume-Uni. Elle attend que la police française en fasse de même.