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À Arenys de Munt, le référendum catalan se prépare malgré les "méthodes" de Madrid

envoyée spéciale à Arenys de Munt – Fief sécessionniste de la première heure, le village d'Arenys de Munt se dit prêt à organiser dimanche le référendum sur l'auto-détermination de la Catalogne. Et ce, malgré les nombreux tentatives de Madrid de le faire échouer.

Difficile d’imaginer tant d’"esteladas" – le drapeau catalan – dans un si petit bourg. À Arenys de Munt, village de 8 000 âmes perdu à 40 km au nord de Barcelone, ils tapissent les balcons de la rambla Sant Marti, la route principale encore en sable, quand d’autres flottent par dizaines sur la place de l’Église. Même les enfants qui tapent le ballon portent les couleurs sang et or sur leur t-shirt. Leurs parents et grands-parents sont, eux, impatients de pouvoir voter dimanche 1er octobre lors du référendum sur l’autodétermination de la Catalogne. "Ce sera un jour historique, on attend cela depuis tellement longtemps", affirme fièrement Simona, 65 ans. "On veut notre République, on en a marre de payer pour les autres : les routes, les écoles, la santé…", poursuit son mari, Lluis, 66 ans.

La ferveur indépendantiste est ancrée depuis plusieurs années à Arenys de Munt, qui a organisé dès 2009 la première consultation citoyenne sur l’indépendance de la région. Et déjà, le "oui" s’imposait à plus de 90 % avec une participation à plus de 40 %. Un vote sans valeur juridique mais qui fera date dans toute la Catalogne, puisque l’initiative sera reprise par 553 des quelque 950 communes de la région, dont Barcelone. Depuis, la volonté de s’affranchir du reste de l’Espagne n’a jamais failli.

"Méthodes peu démocratiques de Madrid"

Les différentes actions du gouvernement madrilène pour tenter de mettre un frein au référendum – fermeture des sites Internet sur le vote, arrestations de hauts fonctionnaires, saisie du matériel de vote dans plusieurs villes – n'ont pas arrêté ce fief sécessionniste. Le maire Joan Rabasseda a pourtant été auditionné le 18 septembre par la justice, qui l’accuse de "délit de désobéissance". Cette semaine, l’édile a également été interrogé par les Mossos d’Esquadra, cette police catalane qui agit sur ordre de Madrid. "Ils m’ont demandé où était le matériel de vote, ils m’ont demandé les clés. À chaque fois, je n’ai pas répondu. C’est mon droit, argue-t-il. Puis, ils sont repartis sans rien prendre".

"La préparation du référendum n'est pas facile mais tout est prêt à Arenys de Munt", dit le maire Joan Rabasseda pic.twitter.com/yNFl6B3ChW

  segolene (@Segolenea) 30 septembre 2017

Le maire dénonce les méthodes "peu démocratiques" de Madrid. "Je ne comprends pas que l’on se retrouve à organiser un vote dans la clandestinité", s’insurge-t-il. Urnes, enveloppes et bulletins ont donc été "soigneusement mis en sécurité", précise le maire, qui n’en dira pas plus pour ne pas mettre en péril la tenue du vote.

"Je n'ai pas peur du gouvernement"

Seuls les quatre bénévoles en charge de l’organisation du scrutin sont au courant. Parmi eux, Tonia Vila assure "ne pas avoir peur du gouvernement de Madrid", qui s’est engagé à poursuivre ceux qui participeraient à la tenue du scrutin. "Je ne suis pas fonctionnaire et les autres bénévoles non plus", précise-t-elle. Elle ne craint pas non plus les quelque 10 000 policiers de la Guardia Civil et des Mossos d’Esquadra déployés dans toute la région" pour l’occasion. "Nous défendons un vote démocratique", assènent-ils.

Pour Tonia Vila, aucun obstacle de Madrid n’empêchera la Catalogne de divorcer. "Nous sommes un pays très organisé, commente-t-elle. Il n’y a qu’à voir toutes les manifestations que nous organisons : celle des pompiers, des curés, des étudiants, des agriculteurs en tracteurs… il n’y jamais eu de débordement. Parce que la Catalogne est un pays tolérant et un peuple pacifiste. C’est notre force", lance-t-elle, avant de conclure : "Les Espagnols, eux, ne l’ont pas".

"On s'est longtemps écharpés sur la question"

Il reste pourtant, à Arenys de Munt, une poignée d’anti-indépendantistes. Assis devant son rhum-café au bar du centre, Mario, 52 ans, indique d’un signe de la tête qu’il n’ira pas voter dimanche. "Je suis le seul dans [s]a famille", reconnaît-il à voix basse. "Mes fils qui ont des commerces à Gérone pensent payer trop d’impôts et ma sœur qui est magistrate pour la Generalitat (le gouvernement catalan) en fait une question idéologique", poursuit-il. "Après nous être longtemps écharpés sur la question, notamment lors du référendum de 2014, on a décidé depuis d’en parler plus posément", ajoute-t-il, tout en tenant à rester discret.

Pour clore la campagne du référendum, un débat ouvert au public a été organisé dans une salle municipale. À la même table étaient réunis les sept partis séparatistes et les deux partis unionistes. Madrid et la Generalitat n’ont, eux, pas encore franchi ce pas.