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Après avoir prononcé un discours très ambitieux sur l’Europe, Emmanuel Macron doit désormais convaincre ses partenaires européens de le suivre. Il discutera de ses propositions avec la chancelière allemande Angela Merkel jeudi soir en Estonie.

Après les mots, place à l’action. En prononçant son discours pour une relance de l’Europe, mardi 26 septembre, Emmanuel Macron s’est montré très ambitieux en énumérant de nombreuses pistes de réformes. Le projet français exposé, il s’agit désormais pour le chef de l’État de convaincre ses partenaires européens de le suivre dans sa démarche. Mais la tâche s’annonce ardue.

Pour le président de la République, il s’agit tout d’abord de convaincre Angela Merkel. La chancelière allemande est engagée dans des négociations compliquées pour former une coalition de gouvernement avec les libéraux du FDP et les Verts – les premiers ayant rejeté les propositions d’Emmanuel Macron concernant la zone euro quand les seconds y sont favorables. Mais, 48 heures seulement après les élections en Allemagne, Paris a préféré jouer cartes sur table. "Nous avons souhaité nous exprimer maintenant pour que les positions françaises entrent dans le débat", a ainsi expliqué la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, mercredi matin sur France Inter.

Si la ministre veut croire que la position du FDP répondait à une stratégie de campagne et qu’Angela Merkel "est la première à admettre que la zone euro est en situation de sous-investissements", la chancellerie allemande s’est toutefois montrée prudente au lendemain du discours d’Emmanuel Macron. Il y avait dans ce discours "beaucoup d'idées et de propositions", mais il "est trop tôt pour les évaluer dans le détail". Le gouvernement allemand compte "regarder tout ça l'esprit ouvert", a ainsi déclaré mercredi le porte-parole de la chancellerie, Steffen Seibert, précisant que Berlin s’attendait à une discussion "animée" et "intense" sur la question de la zone euro.

Cette réaction montre bien qu’il sera compliqué de convaincre les Allemands. Proposition phare d’Emmanuel Macron depuis la campagne présidentielle, la réforme de la zone euro – avec la création d’un budget propre et d’un ministre des Finances –, n’a été évoquée que relativement tardivement lors du discours de la Sorbonne et dans des termes assez vagues. Il n’était plus question, notamment, d’avancer le moindre chiffre. "Emmanuel Macron a en réalité conscience qu’il va être confronté à un mur sur tout ce qui pourrait être substantiel concernant la zone euro, car avec le score important de l’AfD, Angela Merkel fait face à une pression eurosceptique qui pèse sur elle", estime Rémi Bourgeot, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste de la zone euro, contacté par France 24.

Restent les autres pistes de réformes avancées par le président français. Europe de la Défense, lutte contre le terrorisme, police des frontières, politique migratoire, lutte contre le dumping social, taxation des géants de l’Internet : sur tous ces sujets cités mardi après-midi, avant la réforme de la zone euro, des convergences de vue sont possibles.

"Chez Emmanuel Macron, le lyrisme est proportionnellement lié aux blocages"

Mais comment traduire concrètement tout cela en actes ? Le chef de l’État a avancé trois pistes. D’abord en assumant clairement qu’il puisse y avoir une Europe à plusieurs vitesses. "Allons vers ces différenciations, vers cette avant-garde, ce cœur de l’Europe dont je parlais tout à l’heure. Sur tous nos grands défis, nous devons avancer en accélérant le rythme et en élevant nos ambitions. Aucun État ne doit être exclu de cette dynamique, mais aucun pays ne doit pouvoir bloquer ceux qui veulent avancer plus vite ou plus loin", a-t-il lancé.

Deuxième idée : la mise en place de "conventions démocratiques" qui auront pour but d’identifier, lors du premier semestre 2018 et via des plateformes numériques notamment, les priorités et les préoccupations des citoyens européens.

Enfin, Emmanuel Macron a plaidé pour la création "dans les prochaines semaines" d’un "groupe de la refondation européenne" qui accueillera "les représentants de chaque État membre volontaire et associera les institutions européennes". Celui-ci devra se nourrir "des débats issus des conventions démocratiques" et proposer "d’ici l’été 2018", thème par thème, des mesures concrètes.

Si le discours d’Emmanuel Macron a plutôt été favorablement accueilli en Europe, notamment à Bruxelles, en Autriche ou en Italie, certains observateurs restent sceptiques. "Chez Emmanuel Macron, le lyrisme est proportionnellement lié aux blocages et compense l’absence de possibilités réelles d’avancées", note ainsi Rémi Bourgeot, peu convaincu par les concepts de "conventions démocratiques" et de "groupe de la refondation européenne".

Après avoir suscité l’espoir chez les partisans d’une Union européenne plus forte et qui tendrait vers davantage de fédéralisme, Emmanuel Macron sait qu’il doit désormais obtenir des résultats. Le sommet européen sur le numérique de Tallinn, en Estonie, vendredi, sera l’occasion d’avoir des premiers éléments de réponse. Il y rencontrera jeudi soir Angela Merkel, qui a émis le souhait de discuter avec lui de ses propositions de refonte de l’UE, avant de dîner dans la foulée avec l’ensemble des dirigeants européens.