
Alors que les critiques montent contre la dirigeante birmane au sujet de la répression des Rohingyas, le directeur de l’institut Nobel a assuré qu’elle garderait sa récompense. L’UE, elle, songe à la possibilité de lui retirer son prix Sakharov.
Depuis la fin août, de très nombreuses personnalités ou organisations incarnant la défense des droits de l’Homme sont montées au créneau pour critiquer la position ambiguë de l’ex-dissidente et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi face à la répression de la communauté rohingya en Birmanie. Dernier en date, le Parlement européen a agité, jeudi 15 septembre, la menace de retirer son prix Sakharov des droits de l'Homme à la dirigeante birmane.
Au vu du silence actuel la Dame de Rangoun sur le sort des Rohingyas, les députés européens, réunis en séance plénière, se sont interrogés sur la possibilité d'examiner si le prix Sakharov, qui lui a été attribué en 1990 pour la liberté de la presse, "pourrait être révoqué en cas de violations" des critères ayant conduit à son attribution, à savoir notamment la défense des droits de l'Homme et la protection des "droits des minorités".
Le prix Nobel est attribué à vie
Une pétition demandant le retrait du Nobel à la dame de Rangoun, mise en ligne par Change.org, a par ailleurs été signée par plus de 423 000 personnes. Répondant à ces demandes, le directeur de l’institut Nobel a rappelé sur son site que d’après les statuts de la fondation, "aucun recours ne peut être formé contre la décision d'un organisme d'attribution d'un prix".
Olav Njølstad a indiqué que les membres de l'institut norvégien se gardaient de commenter ce que ses lauréats pouvaient dire ou faire après leur nomination. "Cela reste toutefois un sujet de préoccupation dont ils s’enquièrent", a-t-il précisé. "Le prix Nobel de la paix distingue le travail et les efforts d’une personnalité à un moment donné, pour une année donnée" s’est-il justifié.
Reste à savoir si le prochain Nobel de la Paix, qui doit être décerné le 6 octobre à Oslo, tiendra compte des sévères critiques essuyées par le comité après les prises de position d’Aung San Suu Kyi, devenue la plus controversée de ses lauréates.
Mobilisation des "Nobel" contre Aung San Suu Kyi
Si le comité Nobel se cantonne au silence, ce n'est pas le cas des lauréats du prix. Au total, pas moins de sept prix Nobel de la paix se sont indignés de l’attitude de leur homologue, l’appelant à intervenir en faveur des Rohingyas. Lundi, c’est le dalaï lama en personne qui a exhorté Aung San Suu Kyi à trouver une solution pour cette communauté, considérée comme la plus grande population apatride au monde avec un total d'environ un million de personnes.
"Combien de Rohingyas doivent périr avant que vous éleviez la voix pour défendre ceux qui n’en ont pas ? Votre silence n’est pas en accord avec ce pour quoi nous vous avons soutenue durant des années (…) Il est temps que vous défendiez les droits des Rohingyas en faisant preuve de la même vigueur que les nombreuses personnes qui vous ont défendue" ont écrit cinq de ses co-lauréates au rang desquelles l’Iranienne Shirin Ebadi (Nobel 2003), la Yéménite Tawakkol Karman (2011) ou encore la Libérienne Leymah Gbowee (2011).
My statement on the #Rohingya crisis in Myanmar: pic.twitter.com/1Pj5U3VdDK
Malala (@Malala) 3 septembre 2017Des appels restés jusqu’ici sans réponse. Pressée de s'exprimer par la communauté internationale, mais devant maintenir un précaire équilibre dans ses relations avec la très puissante armée birmane, Aung San Suu Kyi a même annulé un déplacement à l'ONU pour son Assemblée générale annuelle qui a débuté mardi. Elle prononcera toutefois le 19 septembre un discours télévisé sur la situation au Rakhine, ont annoncé ses services.