Alors que les alertes à une pandémie de grippe A (H1N1) se multiplient, certaines voix commencent à s'élever pour dénoncer une disproportion des moyens engagés pour lutter contre la maladie par rapport à sa réelle dangerosité...
FRANCE 24 : Où en est-on de la fabrication du vaccin contre la grippe A (H1N1) ?
Dr Marc Girard : Pour l’instant, le vaccin n’existe pas. Il est annoncé pour l’automne, ce qui est un délai normal. Il faut en général quelques mois aux laboratoires pharmaceutiques pour préparer un vaccin contre la grippe. Mais nous assistons, un peu, à un jeu pervers. Le vaccin actuellement en préparation concerne la grippe en cours. Or le virus de la grippe mute très facilement, c’est ce qui le caractérise. Conséquence : soit le virus n'évolue pas, et le vaccin ne servira à prévenir qu'une maladie somme toute bénigne, soit il mute, et il n’y a aucune preuve que le sérum aura une quelconque efficacité.
C’est-à-dire ?
On dispose d’une évaluation rétrospective du vaccin contre la grippe. La Collaboration Cochrane, une organisation internationale et indépendante réunissant plus de 20 000 professionnels de santé, a compilé 40 années de vaccins anti-grippaux, entre 1966 et 2006. Globalement, les preuves d’efficacité sont très faibles, et les études sur la tolérance de très mauvaise qualité.
La dangerosité du virus est pourtant avérée... Le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait état de plus de 700 morts dans le monde.
La médiatisation des risques engendrés par cette grippe a été tout à fait excessive. Il faut bien comprendre que les autorités imputent souvent trop rapidement des décès à la grippe porcine. Certaines personnes qui en sont mortes avaient, en fait, déjà un état de santé très fragile. Quant aux vaccins, ils ne sont pas non plus sans risques. Lorsque l’on développe un traitement, un risque peut passer inaperçu sur 1000 patients par exemple, mais il devient beaucoup plus visible sur plusieurs millions de sujets. C’est l’effet d’échelle. Dans le cas du vaccin contre la grippe pandémique, on va passer d’un produit sur lequel il n’y a eu, pour ainsi dire, aucun essai clinique (comme pour tous les vaccins antigrippaux) à une administration globale : c’est criminel !
La réponse de santé publique qui consisterait en une campagne de vaccination serait donc un leurre ?
Oui, et selon moi, les choses sont arrivées à un point tel que l’on serait en droit de demander une enquête parlementaire. On arrive à un hiatus entre l’évidence épidémiologique, à savoir un virus pour l’instant pas si dangereux que cela, et le coût d’un vaccin surpayé aux industries pharmaceutiques qui représente pour elles une manne providentielle [les contrats de commande de doses de vaccin s’élèvent en France à un milliard d’euros, selon le ministère de la Santé, NDLR].
Outre la question de l’incompétence ou des liens d’intérêt de certains membres des autorités sanitaires, cela nous confronte à une question d’allocation des ressources. Quelle est la place de la grippe porcine dans une hiérarchie de gravités, par rapport à d’autres problèmes de santé publique ? Aujourd’hui, en France - et a fortiori dans le monde -, il y a des problèmes de santé publique plus importants que la grippe porcine. Ainsi le paludisme provoque chaque année la mort de près d’un million de personnes.
Quelle réponse apporter alors ?
Une surveillance étroite du virus, car toute épidémie de grippe est susceptible de devenir catastrophique. Puis la définition de mesures de prévention simples, telles que se laver les mains régulièrement, ou l’isolement des malades, très efficace. En outre, on ne s’attaque qu’aux conséquences de la grippe pandémique, mais l'on passe à côté de ses causes. Les pratiques sauvages de l’agroalimentaire sont ainsi de vrais laboratoires à mutation de virus.