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Israël et les États-Unis s'affrontent sur un projet de colonisation

Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a donné une fin de non-recevoir à la demande du président américain Barack Obama de mettre fin à un projet de colonisation à Jérusalem-Est, le ton monte entre les deux alliés.

Le dossier de la colonisation israélienne empoisonne les relations entre Tel-Aviv et Washington depuis l’arrivée de Benjamin Netanyahou au poste de Premier ministre, à la suite des législatives du 10 février dernier. Nouvel élément de crise : la semaine dernière, Washington a convoqué l’ambassadeur d’Israël, Michaël Oren. La raison : un projet de construction de 20 logements juifs dans le quartier arabe de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, que l’administration Obama souhaite voir purement et simplement enterré. Les États-Unis estiment que la colonisation est un frein à la création d’un État palestinien, et donc au règlement du conflit israélo-palestinien grâce à une solution "à deux États".

Mais c’était sans compter sur l’intransigeance de Benjamin Netanyahou. "Nous n'acceptons pas que des juifs n'aient pas le droit de vivre et de construire où que ce soit à Jérusalem-Est. De telles restrictions sont inadmissibles", a-t-il lancé hier à l’ouverture du conseil des ministres. Et d’ajouter : "Jérusalem unifiée est la capitale du peuple juif et de l'État d'Israël sur laquelle notre souveraineté ne saurait être remise en question." Le Premier ministre argue notamment que le projet s’effectuera en territoire israélien et ne constitue donc pas une nouvelle colonie en Cisjordanie.

Mais Netanyahou soulève là une question très discutée. La partie orientale de Jérusalem a, en effet, été annexée par Israël lors de la guerre des Six jours, en juin 1967. Or, cette annexion n'a jamais été reconnue par la communauté internationale, qui considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé...

Un symbole de la communauté arabe de Jérusalem-Est

"Cette intervention américaine sur un site à Jérusalem, à deux pas de l'université hébraïque, prouve à quel point il est dangereux de discuter d'un gel de la colonisation" en Cisjordanie, a déclaré dimanche le ministre de l'Information, Youli Edelstein, en référence aux demandes répétées de Washington d'un arrêt des constructions.

Côté arabe, c’est la consternation. Il faut dire que l’endroit choisi par Israël est l’un des symboles de la communauté, à Jérusalem-Est. Le quartier de Sheikh Jarrah est l’un des quartiers arabes les plus prestigieux de cette partie de la ville. Plusieurs consulats étrangers y sont installés et le bâtiment destiné à accueillir les nouveaux logements juifs fut la propriété du grand mufti Hadj Amin Al-Husseini avant la Seconde Guerre mondiale. Le terrain, saisi en 1968 par l'État d'Israël, a été racheté en 1985 par l'homme d'affaires juif américain Irving Moskowitz. Ce bailleur de fonds de groupes ultranationalistes juifs a déjà financé la construction d'un quartier de colonisation juive de 133 logements au cœur du quartier palestinien de Ras el-Amoud, à Jérusalem-Est, réalisé malgré les protestations américaines.

Selon la deuxième chaîne de télévision privée israélienne, Irving Moskowitz finance également un autre projet surnommé "Maale Zeitim", qui prévoit la construction de 69 autres logements à Ras el-Amoud. L’objectif affiché du millionnaire américain est de judaïser la partie orientale de la ville sainte, afin de combattre le souhait des Palestiniens qui voudraient en faire la capitale de l’État auquel ils aspirent.

300 000 colons déjà installés en Cisjordanie

Pour Saëb Erakat, l'un des principaux négociateurs palestiniens, il est "impossible de transiger sur la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem. Cela doit cesser". Il ajoute que "cette décision de construire de nouveaux logements montre que le gouvernement israélien se moque de la communauté internationale. C’est une entorse au processus de paix". 

Un processus de paix qui prévoit effectivement le gel total de la colonisation dans les Territoires palestiniens, déjà inscrit dans la feuille de route en 2003. Le président américain Barack Obama l’a d’ailleurs rappelé dans son discours du Caire, le 4 juin, soulignant "la nécessité d’arrêter la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem".

Des vœux pieux pour l’instant. Aujourd’hui, près de 190 000 Israéliens vivent dans une douzaine de quartiers de colonisation à Jérusalem-Est aux cotés de 270 000 Palestiniens. Et plus de 3 000 logements juifs sont actuellement en chantier dans les Territoires palestiniens...

En mars 2009, l’organisation pacifiste israélienne La Paix Maintenant dénonçait la préparation, par le gouvernement, de plans de colonisation intensive visant à quasiment doubler le nombre de colons en Cisjordanie dans les prochaines années. Ces plans prévoiraient la construction de 73 000 logements, dont 5 700 dans des quartiers de Jérusalem-Est. Le porte-parole du ministère de l’Habitat, Eran Sidis, n’a pas démenti ces informations. Au total, ils sont près de 300 000 colons à être déjà installés en Cisjordanie depuis son occupation en 1967.