
Suite à la publication dans Paris Match d'images de l'attentat de Nice issues de la vidéosurveillance de la ville, la justice doit se prononcer à 14 heures sur d'éventuels poursuites et un retrait en kiosque du magazine.
Des images du camion-bélier et de sa course folle sur la Promenade des Anglais à Nice, des clichés de promeneurs percutés par le 19-tonnes et un selfie de l'auteur de l'attaque. À quelques heures des commémorations, ces images publiées dans Paris Match, jeudi 13 juillet, ont suscité un vif émoi au sein des associations de victimes.
Indignées, elles ont estimé, dès mercredi, que ces clichés issus de la vidéosurveillance de la ville "port[ai]ent atteinte à la dignité des victimes et de leurs proches". "Paris Match a fait le choix éditorial assumé de publier des photos extraites des bandes de vidéosurveillance de la ville de Nice et placées sous scellés", a déploré dans un communiqué l'avocat de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs, maître Eric Morain.
"Faire du sensationnel"
L'avocat appelle le parquet antiterroriste de Paris "à faire cesser ce trouble manifestement illicite". Cette requête est aussi soutenue par l'association Promenade des anges, qui rassemble les proches des victimes de l'attentat. "Ces captures d'écran, publiées sans précaution aucune, portent atteinte à la dignité des victimes et de leurs proches" et sont publiées "uniquement pour faire du sensationnel" et "créer une atmosphère morbide et voyeuriste", dénoncent-elles.
Le maire de la ville Christian Estrosi a également saisi la justice en critiquant la publication d'images "insoutenables et abjectes". L'élu dit avoir écrit "au ministre de la Justice afin qu'il se saisisse de cette nouvelle parution qui ne manquera pas de raviver la douleur des familles".
"Droit à l'information"
Face à ces accusations, Paris Match défend "son droit à l'information" dans un article publié sur son site Internet. La revue évoque notamment "un devoir de mémoire, pour que la société n’oublie pas". "Quant aux photos du camion cette nuit-là, [...] il s’agit de vues de loin, de plans larges, sans identification possible des victimes ni atteinte à leur dignité. Elles sont publiées dans un souci de compréhension des événements", peurt-on lire.
Pour l'avocate du journal Marie-Christine Percin, le sujet est "au contraire un hommage aux victimes et aux rescapés". "Il n'y a pas de photos montrant le visage des victimes ou portant atteinte à leur dignité. Les images montrent le camion de très loin au moment où il arrive sur la foule, et des silhouettes de gens qui marchent", selon elle.
Me Eric Morain rappelle que la loi Guigou de 2000 encadre l'atteinte à la dignité d'une victime d'une infraction pénale mais seulement lorsqu'elles sont vivantes. Sur les images diffusées par Paris Match, des victimes vivantes blessées sont visibles mais, selon lui, pas forcément identifiables.
Le parquet de Paris a assigné en référé le magazine pour obtenir en urgence le retrait du numéro concerné. Le ministère public, qui assigne Hachette Filipacchi Médias et la directrice de publication de Paris Match, "demande au tribunal d'ordonner le retrait de la vente" du magazine et "l'interdiction de diffusion sous tous formats, notamment numérique", a indiqué le parquet de Paris, qui a également ouvert une enquête pour "violation du secret de l'instruction et recel" de ce délit. Le référé, une procédure d'urgence, sera examiné à 14 heures.
À Nice, les kiosquiers ont déjà tranché : ils refusent de vendre le magazine, comme le révèle ce reportage de France 3 Côte d'Azur.
Avec AFP