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Mais pourquoi y a-t-il autant de renards dans nos jeux vidéo ?

Non contente d'être souvent très mignonne, cette bestiole rousse squatte nos consoles depuis des décennies. Sa présence revêt souvent une symbolique bien précise.

Crash is back! Le mythique renard, qu’on a pour la première fois vu sur PlayStation en 1997, s’est refait une beauté et a débarqué sur PS4 le vendredi 30 juin dans "Crash Bandicoot: The N Sane Trilogy", un opus réunissant les trois premiers jeux de la série en version remastérisée et améliorée.

Mais oui, on sait ! Crash Bandicoot n’est en réalité pas un renard. C’est, comme son nom l’indique, un bandicoot, une espèce de marsupial à quatre doigts qu’on trouve en Australie. Mais mince, enfant, lors de vos premières runs avec ce bon vieux Crash, ne pensiez-vous pas que notre animal en jean, un peu punk sur les bords, était le plus cool de tous les renards ?

Nous, si. D’autant plus qu’avec ou sans Crash Bandicoot, les renards ont envahi nos consoles. Dans les grands classiques – de "Star Fox" à "Sonic" –, dans les jeux indépendants – comme "RiME" ou "Seasons after Fall" – et même lors du dernier E3, le grand salon annuel du jeu vidéo, où trois nouveaux jeux mettant en scène des renards ont été annoncés. Mais pourquoi cette petite boule de poils se promène-t-elle partout sur nos écrans ?

Fox McCloud et Tails, nos premiers amours de renardeaux

Malgré son tout récent lifting sur PlayStation 4, notre Crash Bandicoot a bien vieilli. Mais moins que certains renards, encore plus anciens et parfois, plus cultes encore. Qui fut le premier renard du jeu vidéo ? On a eu bien du mal à répondre à cette question.

Il semblerait qu’il s’agisse de "Psycho Fox", un animal totalement loufoque né dans l’esprit des développeurs de SEGA et du studio Vic Tokai. En 1989, "Psycho Fox" est donc sorti sur Sega Master System, une console qui n’a pas vraiment marqué les esprits puisqu’elle a précédé la mythique Mega Drive. Mais "Psycho Fox" est resté dans les mémoires comme un excellent plateformer, coloré et rythmé. 

Deux autres bestioles rousses débarquées dans la foulée sont rapidement devenues des icônes du jeu vidéo. La première est un pilote, le commandant d’une force aérienne constituée d’animaux étranges conduisant des bolides. Fox McCloud, le héros de la série "Star Fox", est découvert par le grand public en 1993, sur la SNES. Luttant lui aussi contre un envahisseur, le scientifique fou Andross, Fox McCloud est décrit comme un aventurier intrépide, un leader sans peur qui prend soin de son équipe. Ces dernières semaines, "Star Fox" est revenu sous la lumière des projecteurs avec l’annonce de la sortie de "Star Fox 2" sur la Super NES Classic mini, promise par Nintendo pour la fin du mois de septembre. Une annonce inattendue qui a ravi les fans de la série, puisque le jeu était annoncé pour… 1995.

Le deuxième renard qui a marqué l’histoire du jeu vidéo des années 1990 est le meilleur ami du trépidant Sonic. De son vrai nom Miles Power, Tails est un petit renard anthropomorphique spécialisé dans la mécanique. Il est pour la première fois jouable dans "Sonic The Hedgehog 2" sur Mega Drive. Pour Seldell, streamer et rédacteur en chef du site Indiemag.fr, spécialisé dans le jeu vidéo indépendant, "le renard a l’image d’un acolyte grâce à Tails, qui avait le rôle du petit frère que Sonic adopte, à la fois gentil et naïf, mais doté d’une grande intelligence et de débrouillardise".  

Le kitsune et l’inspiration du folklore japonais

Fox McCloud et Tails n’ont pas grand-chose en commun. Le premier est un meneur farouche, le deuxième un grand timide, fan de Sonic qu’il suit aveuglément. Mais ils ont tout de même une origine similaire : ils tirent tous les deux leurs designs et un peu de leurs personnalités dans le folklore japonais. Le design de FoxMcCloud est inspiré par la fière statue du dieu shinto Inari, divinité des céréales et capable de voler, qu’on trouve à l’entrée du temple Fushimi Inari-taisha, à Kyoto. Quant à Tails, qui possède deux queues et est capable de voler, il serait inspiré par un kitsune, un esprit de renard surnaturel pouvant être pourvu de plusieurs queues.   

"On remarque chez les Japonais une propension naturelle et culturelle (folklore et anciennes croyances animistes) à utiliser des animaux et leurs incarnations anthropomorphiques, comme le renard à neuf queues. Ils apportent donc tout naturellement des mascottes dans le monde du jeu vidéo. (…) Le fait que Tails soit un renard n’a pas été décidé par hasard", explique Douglas Alves, historien et consultant du jeu vidéo contacté par Mashable FR.

"Le renard est un compagnon, un guide ou une figure mystique qui possède souvent la connaissance"

Le renard japonais est donc un personnage de contes et de légendes, parfois l’incarnation terrestre du dieu Inari. Le kitsune est de bon augure, c’est un esprit gardien capable de protéger du mal. Dans le mythique JRPG "Tales of Symphonia", sorti sur GameCube 2003, le personnage de Sheena Fujibayashi, l’un des protagonistes, est ainsi constamment suivi par Corrine, un petit kitsune totalement craquant qui lui sert de bonne conscience, mais aussi de pouvoir ultime en cas d'attaque.

"Le renard est un compagnon, un guide ou une figure mystique qui possède souvent la connaissance. Pour moi, le renard est un personnage couteau suisse qui peut correspondre à toutes les tâches, notamment s’il faut symboliser la nature. Anthropomorphe enfantin, renardeau, renard des sables ou des neiges, il va être un personnage mignon, tandis qu’il peut faire davantage penser à la nature comme un animal sauvage adulte, à la façon d’un lion dans la savane", ajoute encore Seldell.

Mystique, le renard est un guide dans le jeu indépendant

Dans les jeux vidéos indépendants, le renard apparait en effet souvent comme un guide à travers la nature. Dans "Seasons After Fall", un jeu d’aventure et d’exploration acclamé pour son ambiance et sa poésie sorti en septembre 2016, notre petit animal peut changer les saisons à sa guise et modifier son environnement. Son but est de retrouver les quatre gardiens de l’hiver, de l’automne, du printemps et de l’été. Même son de cloche dans "Never Alone", où l’on est plongé dans une fable inuit aux côtés de Nuna, une héroïne qui doit cherche à survivre et s’éloigner de la tempête de neige. Elle est accompagnée d’un renard blanc, capable de communiquer avec les esprits et de la guider à travers ce monde hostile. Le jeu peut se faire en coopération ou seul, en alternant entre les deux personnages. 

À l’image d’un "ICO" ou d’un "Journey", "RiME" veut transporter le joueur dans une promenade émotionnelle

Il y a une dimension mystique dans ces animaux de jeux indépendants qui rejoignent les figures folkloriques du jeu japonais. On sent directement l’influence de la culture japonaise dans les réalisations de développeurs occidentaux. "The Wild Eternal", une quête initiatique développée par le studio américain Ilsanjo, paru sur PC en avril dernier, on incarne une vieille dame nommée Ananta. Celle-ci essaye d’échapper au cycle de la réincarnation en conciliant ses passés traumatiques et son destin. Un walking simulator sur la vie, la mort et la difficulté de quitter cette Terre en paix où le personnage principal est guidé par… un renard.

Dans "RiME", développé par Tequila Works et sorti en mai dernier, on incarne un enfant débarqué sur une île déserte. Sans cinématique d’introduction, sans histoire explicitement dévoilée, le joueur se retrouve plongé dans cet espace isolé, un peu étrange et visuellement très beau. En utilisant la lumière, le son ou les perspectives du décor, on franchira peu à peu les mystères qui peuplent le lieu au travers de différents puzzles.

À l’image d’un "ICO" ou d’un "Journey", "RiME" veut transporter le joueur dans une promenade émotionnelle. Et même s'il n’atteint que rarement le génie de ces deux classiques, il possède un final magistral, tout en émotion. Ici aussi, après que le joueur a résolu la première énigme, donnée par une statue de renard qui ressemble étrangement à celle de la divinité Inari, une petite bête rousse nous rejoint et nous servira de guide et de compagnon.

Le renard de demain est un renard mignon

Des premières heures du jeu vidéo à nos jours, le renard gambade encore et toujours aux côtés du joueur. Il se fait parfois protagoniste et souvent guide ou compagnon. Rare sont les jeux où le renard a l'image d'un personnage sévère ou méchant (comme Fox, le PNJ badass de "Persona 4"), parce qu'il n'est plus vu comme un prédateur, mais comme un animal à la fois mignon, rusé et représentant la nature sauvage.

Récemment, de nombreux jeux mettant en scène des renards ont été annoncés : "Tunic", un Zelda-like présenté à l'E3, "Super Lucky's Tails", un jeu de plateforme 3D pour enfants ou encore "Tanglewood", un jeu kickstarté à hauteur de plus de 58 000 livres sterling qui sortira normalement cette année sur... Mega Drive ! Le jeu sera disponible en cartouche, sur la vieille console de salon d'une autre époque. Comme quoi, les renards sont aussi bien des bestioles du passé que du futur.

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