Une équipe de FRANCE 24 avait rendez-vous avec la militante des droits de l'Homme Natalia Estemirova le matin de son assassinat. Les journalistes l'ont attendue en vain: quelques heures plus tard, son corps sans vie était retrouvé en Ingouchie.
L'équipe de FRANCE 24 à Moscou devait interviewer Natalia Estemirova mercredi à 8 heures du matin au siège de l'ONG où elle travaillait, Memorial, à Grozny. Ne la voyant pas arriver, les journalistes ont alerté des membres de son organisation qui se sont alors lancés à sa recherche dans les rues de la capitale tchétchène.
L'une de ses collaboratrices se souvient : "Nous avons réussi à trouver un témoin qui nous a raconté qu'autour de 8h30 du matin, Natalia est sortie de chez elle. Une voiture s'est alors approchée, puis elle a été poussée à l’intérieur."
Son corps sera retrouvé quelques heures plus tard dans la république voisine d'Ingouchie, dans le Caucase russe.
La militante des droits de l’Homme habitait l’un des quartiers les plus peuplés de Grozny, aux rues très animées. Pourtant personne ne se souvient de la plaque d'immatriculation du véhicule qui l’a enlevée.
"Elle était la seule à dire la vérité"
Edilbek Khasmagomadov, un politologue tchétchène réputé, décrit un climat tendu dans le pays : "On ne peut pas exclure que les autorités soient derrière le meurtre de Natalia. Elle était la seule à dire la vérité sans se soucier des conséquences de ses paroles."
Natalia Estemirova enquêtait sur les enlèvements et les exécutions sommaires dont sont victimes les proches des séparatistes tchétchènes. Des crimes imputés par certains aux hommes de Ramzam Kadyrov, le président tchétchène. Cette vague de terreur était précisément le thème de l’interview qu’elle avait accepté d'accorder à FRANCE 24.
"On veut nous forcer à ne donner que des informations positives, mais nous, nous parlons avant tout du non-respect des droits", explique le directeur de la mission tchétchène de l'ONG Memorial, Chaaman Akboulatov.
Aucun représentant du pouvoir ne s'est déplacé aux funérailles de Natalia, dont le nom figure désormais sur la liste des militants des droits de l'Homme tués ou enlevés en Russie. Il n’y a désormais plus personne pour s’occuper de cet inventaire, Estemirova était la dernière à le tenir à jour.