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Une cour d’appel a confirmé la suspension du décret interdisant aux ressortissants de six pays musulmans le droit d’entrée sur le territoire américain. Les juges ont estimé qu’un tweet précis du président prouvait que la mesure était discriminatoire.
Trahi par ses propres tweets. La cour d’appel de San Francisco a invoqué, lundi 12 juin, un gazouillis du président américain, Donald Trump, pour justifier sa décision de confirmer la suspension du controversé décret anti-immigration. Ce texte, signé en janvier 2017 et qui vise à interdire l’accès sur le sol américain aux ressortissants de six pays à majorité musulmane, avait été retoqué en première instance par le tribunal fédéral de Hawaï.
C’est un tweet présidentiel du 7 juin 2017 au sujet des attentats à Londres qui a scellé le sort du décret devant la cour d’appel. “Et oui. On a besoin d’une INTERDICTION DE VOYAGER pour certains pays DANGEREUX”, avait scandé Donald Trump. Pour les juges, le ver de la discrimination se niche dans ce tweet : “Le Président confirme ainsi que ce sont des ‘pays’ qui seraient dangereux, et non pas leurs 180 millions d’habitants qui sont affectés directement par le décret”. La cour ajoute que l’administration américaine n’a fourni aucune preuve qu’il existerait un lien entre la supposée dangerosité d’un État et celle de ses ressortissants.
Pour les trois juges californiens, les envolées en 140 caractères du président américain peuvent être retenues contre lui en justice car il s’agit de “déclarations officielles”. Ils ont ainsi repris une affirmation de Sean Spicer, le porte-parole de la Maison Blanche, qui avait souligné, le 6 juin, que “le président est le président” et que de ce fait tout ce qu’il dit en public est une position officielle. D’autres conseillers présidentiels, comme Kellyanne Conway, ont tenté de minimiser l’importance des interventions de Donald Trump sur Twitter. Conscient des potentielles implications politiques, Ils assurent que c’est un espace où le président retrouve une liberté de ton qu’il ne peut adopter dans les communications officielles.
Rendez-vous devant la Cour suprême
Donald Trump n’a pas tardé à en profiter pour critiquer, mardi 13 juin, la décision de la cour d’appel. “Et bien comme prévu, elle s’est opposée à l’INTERDICTION DE VOYAGER à un moment si dangereux dans l’histoire de notre pays”, a-t-il écrit. Le chef d'État espère que la Cour suprême, qui doit se saisir de la constitutionnalité de cette mesure d’ici une semaine, tranche en sa faveur.
Rien n’est moins sûr. La plus haute juridiction américaine peut tout à fait s’en référer, elle aussi, aux messages postés par le président sur son réseau social favori pour enterrer définitivement le décret. Même des proches de Donald Trump craignent que Twitter ne devienne le fossoyeur du décret anti-immigration. George Conway, juriste et mari de Kellyanne Conway, a jugé que tous les tweets présidentiel au sujet du controversé décret “peuvent rassurer certaines personnes [sur les intentions du président], mais ils ne vont pas l’aider à obtenir la majorité devant la Cour suprême, ce qui est, finalement, la seule chose qui compte”. Divers juristes ont également suggéré que les tweets présidentiels étaient autant d’arguments qui pourraient faire pencher la balance judiciaire.
La décision de la cour d’appel et le combat judiciaire à venir face aux neuf sages viennent apporter une justification à une récente initiative législative qui pourrait sembler farfelue. Le représentant démocrate de l’Illinois, Mike Quigley, a déposé, lundi 12 juin, une proposition de loi baptisée “covfefe” visant à interdire au président d’effacer ses tweets. Derrière ce titre humoristique, une référence à une faute de frappe de Donald Trump sur Twitter devenue célèbre, le texte cherche à résoudre un problème des plus sérieux : le président a-t-il le droit comme tout un chacun de supprimer des messages ? Mike Quigley juge que les tweets de @realdonaldtrump constituent des prises de parole officielles et, à ce titre, doivent être archivées. L’enjeu judiciaire n’est pas négligeable : il peut faire la différence pour 180 millions de personnes entre le droit de se rendre aux États-Unis ou l’interdiction d’y mettre un pied.