En 2014, 300 enfants étaient kidnappés à Damasak, au Nigeria. Un rapt qui rappelle celui des lycéennes de Chibok. Pourtant, leur sort n'a pas provoqué l’indignation, ni mobilisé les réseaux sociaux. Une des nombreuses tragédies étouffées du conflit.
Quand les deux petits frères de Yagana Bukar ont été kidnappés par le groupe jihadiste Boko Haram au Nigeria il y a trois ans, il n'y a eu ni vague d'émotion internationale, ni manifestation dans les rues de la capitale Abuja.
Et pourtant, Mohammed et Sadiq Bukar faisaient partie des quelque 300 écoliers, pour la plupart des enfants d'une dizaine d'années, enlevés par les combattants islamistes dans la ville de Damasak, à la frontière avec le Niger, le 24 novembre 2014.
Quelques mois auparavant, le monde entier s'était ému du kidnapping de masse de 219 lycéennes dans une autre ville nigériane, Chibok. Un mouvement de soutien avait vu le jour sur les réseaux sociaux sous le hashtag #BringBackOurGirls, repris dans le monde entier. Mais aucun hashtag pour les enfants de Damasak. Faute d'information fiable, faute d'accès des médias à une région totalement inaccessible et faute de reconnaissance des politiques, ils ont disparu aussi vite dans les esprits que dans la brousse, où leurs ravisseurs les ont conduits de force.
Ils représentent l'une des nombreuses tragédies étouffées de ce conflit, qui a fait au moins 20 000 morts, obligé 2,6 millions de personnes à quitter leur foyer, et entraîné une terrible crise alimentaire dans toute la région du lac Tchad depuis 2009.
"J'espère qu'ils reviendront bientôt"
"Quand les combattants de Boko Haram sont arrivés, ils ont rassemblé tous les gamins dans une maison", se souvient leur sœur Yagana, qui a aujourd'hui 20 ans. "Au début, Boko Haram contrôlait la ville, mais ils n'avaient rien brûlé encore, ils n'avaient tué personne", raconte-t-elle à l'AFP, assise sur un tapis de prières, juste devant leur maison en torchis.
Mais après une semaine d'occupation, comme des milliers d'habitants de Damasak, la famille de Yagana décide de fuir vers le Niger. La jeune fille n'a plus jamais revu ses petits frères. "J'espère qu'ils reviendront bientôt", souffle-t-elle. "Ils me manquent vraiment. Ils sont toujours avec moi".
Mais les forces de sécurité nigérianes avouent n'avoir aucune information nouvelle pour localiser les enfants de Damasak. "Si nous en avions, nous travaillerions dans ce sens", explique le commandant Muhammed Kaigama, en poste dans la ville depuis que l'armée à chasser les jihadistes en juillet dernier.
Les signes du conflit n'ont pas pour autant disparu et les enseignes noires du groupe jihadiste restent ostensiblement incrustées sur les ruines des murs de la route principale. Damasak a néanmoins retrouvé le calme dans une région toujours dévastée par la guerre.
Les forces de sécurité expliquent ce calme par la division du groupe Boko Haram en août dernier. D'un côté, la faction dirigée par Abubakar Shekau, de l'autre celle d'Abou Musab Al Barnaoui. Damasak, dans l'extrême nord du pays, est sous contrôle d'Al-Barnaoui, adoubé par le groupe État islamique (EI), qui a notamment critiqué Shekau pour les massacres de civils à répétition.
Avec AFP