
Les deux candidats qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, se retrouvent mercredi soir pour le débat télévisé de l’entre-deux-tours, dernier grand événement de la campagne.
De la tirade "Moi, président" de François Hollande face à Nicolas Sarkozy en 2012 au célèbre "Vous n’avez pas le monopole du cœur" de Valéry Giscard d’Estaing face à François Mitterrand en 1974, les débats de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle sont connus pour offrir quelques passes d’armes mémorables entre candidats.
Mais pour l’historien Christian Delporte, spécialiste de l’histoire politique et culturelle française, interrogé par France 24, ce rendez-vous entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, mercredi 3 mai à 21 heures (en direct sur France 24), à quatre jours du second tour de l'élection présidentielle, sera, comme toujours, davantage un spectacle télévisuel qu’un moment décisif dans la campagne.
France 24 : Les questions liées au "front républicain" rendent-elles ce débat d’entre-deux-tours différent des précédents ?
Christian Delporte : Ce qui fait la différence, c’est que jamais un candidat du Front national n’a participé à un débat d’entre-deux-tours et qu’Emmanuel Macron incarne un positionnement politique atypique. De fait, nous assisterons à un débat atypique. Une fois cela dit, nous devrions retrouver tous les codes habituels de l’exercice avec, en particulier, des 'punchlines' préparées en amont. C’est un combat où, de part et d’autre, on cherchera le K.O., ou à défaut, des crochets du gauche et du droit. Les deux candidats se préparent toujours abondamment avant ce rendez-vous. La preuve, ni Emmanuel Macron, ni Marine Le Pen n’avaient quoi que ce soit de prévu à leur agenda mardi et mercredi. C’est le dernier grand moment de la campagne qui réunit toujours beaucoup de monde devant son poste. Le record date de 1981, avec 23 millions de téléspectateurs pour assister au débat Mitterrand-Giscard. C’est devenu un rituel démocratique de notre Ve République.
À quoi pouvons-nous nous attendre de la part des deux candidats ? Quelle sera leur stratégie ?
Emmanuel Macron va essayer de crédibiliser son personnage, tout en démontrant que sa concurrente est incompétente. Son objectif est clair : il faut que le téléspectateur voie en lui le futur président de la République, que ce soit une évidence. Dans cette optique, après le revirement de Marine Le Pen sur l’euro, il y aura probablement un échange attendu sur la question monétaire. Emmanuel Macron ne fera pas de concessions sur son programme pour convaincre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, sinon il l’aurait déjà fait. Il cherchera plutôt à "rediaboliser" le Front national en essayant de montrer que ce parti est un danger pour la démocratie.
Du côté de Marine Le Pen, il s’agira de montrer qu’Emmanuel Macron est, comme elle le répète souvent, un "bébé Hollande". Elle voudra mettre en avant le fait qu’il représente la continuité avec le quinquennat précédent et qu’il manque d’expérience. Il s’agira aussi de le renvoyer au "système" qu’elle rejette en le dépeignant comme le représentant du monde de la finance. Son but sera de convaincre aussi bien chez les électeurs de la droite républicaine que chez les mélenchonistes.
Ce débat peut-il avoir un réel impact ? Un faux pas d’Emmanuel Macron, donné gagnant dimanche soir par tous les sondages, peut-il changer la donne ?
Il en faudrait plusieurs, une seule bourde ne suffira pas. À quatre jours d’une élection, les avis des électeurs sont déjà bien ancrés. Sans oublier le contexte bien particulier de ce second tour où le vote se fera beaucoup sur le rejet du Front national. Mais d’une manière générale, le favori pré-débat reste le favori post-débat. L’expérience montre que ce rendez-vous est surtout un sommet émotionnel de la campagne, mais sans effet sur l’électorat. Les grandes tirades du type "Moi, président" sont faites pour le spectacle télévisuel et aussi pour être reprises car c’est ensuite ce qui tournera en boucle sur les chaînes d’information. C'est ce qui fera parler et ce qu'on retiendra.