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La Chine s’attaque à Wikipedia et lance sa propre encyclopédie en ligne

La Chine veut se doter d’une alternative à Wikipedia, la célèbre encyclopédie collaborative en ligne. Pékin a engagé environ 20 000 auteurs pour rédiger une version plus compatible avec la censure Internet en Chine.

Environ 20 000 scientifiques, universitaires et chercheurs de tous horizons ont été recrutés par Pékin pour former l’armée de rédacteurs du concurrent chinois de Wikipedia, rapporte le South Morning China Post, dimanche 30 avril. Elle sera moins contributive - censure d’État oblige -, uniquement en chinois et plus axée sur la promotion des valeurs du régime.

Ces petites mains doivent rédiger les quelque 300 000 articles de cette encyclopédie en ligne pour une publication en 2018, d’après Yang Muzhi, son rédacteur en chef. L’alternative chinoise à la célèbre encyclopédie participative - en partie inaccessible en Chine - comprendra ainsi deux fois plus d’articles que la vénérable Encyclopaedia Britannica.

"Grande muraille de la culture"

Ce puits de savoir made in China traitera de tous les sujets traditionnels - mathématiques, sciences sociales, histoire ou encore géographie -, mais en y ajoutant une spécificité voulue par le régime : les articles doivent promouvoir les avancées technologiques nationales, l’héritage historique et renforcer "les valeurs centrales du socialisme".

Une ligne éditoriale qui implique que les autorités se gardent, comme avec tout ce qui a trait à l’Internet, un droit de regard sur le résultat final. Yang Muzhi qualifie d’ailleurs cette encyclopédie en devenir de "grande muraille culturelle" en référence, non seulement à la grande muraille de Chine, mais aussi au "Great Firewall" (littéralement la grande muraille de feu aussi appelée grand pare-feu), le très sophistiqué système de censure qui filtre les contenus visibles par les internautes chinois.

Le projet prend l'allure d'un Wikipedia PCC-compatible. Depuis son lancement en chinois en 2001, l'encyclopédie entretient une relation tumultueuse avec le pouvoir. Elle a d’abord eu droit de cité, avant d’être totalement interdite et son contenu n’est désormais que très partiellement accessible, d’après la BBC. Il est ainsi impossible de consulter les articles de Wikipedia (quelle que soit la langue) sur la plupart des sujets tabous comme la répression des manifestations sur la place Tienanmen de 1989 ou la vie privée du président chinois Xi Jinping.

À l’origine, pourtant, l’encyclopédie chinoise n’avait pas été imaginée pour être une parade à Wikipedia. Il s’agit de la troisième mouture de la Chine Encyclopaedia, dont la première version remonte au début des années 1970. Elle aurait dû, comme les précédentes, sortir en format papier traditionnel. Mais lorsqu’en 2012, l’Encyclopaedia Britannica a décidé de passer entièrement en ligne, Pékin s’est rendu compte que la vraie concurrence venait d’Internet.

La "diversité culturelle mondiale"

Wikipedia n’est, en outre, pas la seule encyclopédie en ligne à vouloir séduire les plus de 700 millions d’internautes chinois. Les deux principaux moteurs de recherche, Baidu et Qihu 360, en proposent une également. Moins complètes et plus conformes aux souhaits éditoriaux de Pékin que la référence occidentale en la matière, elles attirent néanmoins un important trafic, assure le South Morning China Post.

Les rédacteurs appelés à la rescousse par Pékin savent que pour rester crédible à l’heure de la globalisation du savoir, il va falloir mieux refléter "la diversité culturelle mondiale et souligner l’impact des régimes démocratiques", a signalé Huang Annian, un historien chinois, dans un courriel envoyé à l’équipe éditoriale de l’encyclopédie.

Le défi pour cette équipe pléthorique de scientifiques sera donc de satisfaire aux exigences politiques de Pékin tout en paraissant aussi légitime que sa rivale occidentale. Le rédacteur en chef de la Chinese Encyclopaedia, Yang Muzhi, reconnaît que Wikipedia "qui se présente comme totalement libre et dont le contenu peut être modifié par n’importe qui sous le contrôle de la communauté est un modèle qui impressionne en Chine". Mais il juge que l’armée des contributeurs volontaires de Wikipedia ne fera pas le poids face à "la plus importante et la plus qualifiée des équipes d’auteurs au monde". Une affirmation à vérifier… sur Wikipedia ?