Bras de fer à Amiens. Emmanuel Macron a réalisé un Facebook Live devant l’usine Whirlpool, quelques heures après le coup médiatique de Marine Le Pen. Un exercice périlleux repris en boucle par les chaînes d’infos.
Branle-bas de combat dans le camp Macron en début d’après-midi, ce mercredi 26 avril. Alors que l’ancien ministre et candidat à l’élection présidentielle passait la matinée à la chambre de commerce de la Somme avec une délégation intersyndicale de l’usine Whirlpool – menacée de fermeture – Marine Le Pen se rendait sur le parking de l’entreprise, à Amiens, aux côtés des salariés.
En arrivant par surprise sur le terrain, au contact des employés, Marine Le Pen a réussi un énorme coup de communication. Accueillie chaleureusement, la présidente du Front National a enchaîné les selfies avant d’affirmer à la presse, en référence au programme de son rival : "Je suis là, aux côtés des salariés, sur le parking, pas dans des restaurants amiénois." Aïe. Gros imprévu pour le candidat d’En Marche!, qui pensait avoir la primeur de l’étiquette "défenseur des travailleurs" sur ce coup-là.
Mais il a su répliquer presque immédiatement et d’une manière qui semble – de prime abord – assez courageuse : Emmanuel Macron s’est rendu sur le parking de l'usine, au cœur de la mêlée, pour réaliser un Facebook Live questions-réponses avec les salariés. Il y a plusieurs choses à dire sur ce direct et le jeu de ping-pong communicationnel entre les deux qualifiés du second tour.
Marine Le Pen à l’initiative
La question du vote des ouvriers est essentielle pour Emmanuel Macron. Selon une enquête réalisée par Ipsos au lendemain de l’élection présidentielle, Marine Le Pen a obtenu 37 % du vote ouvrier, loin devant les 16 % d’Emmanuel Macron. Le candidat d’En Marche! pensait-il pouvoir draguer cet électorat en discutant avec les délégués syndicaux de Whirlpool, que certains qualifient de "nouveau Florange" ? Sans doute.
Mais sur les chaînes d’infos comme sur les réseaux sociaux, la venue de Marine Le Pen l’a totalement éclipsé. En boucle, le téléspectateur pouvait voir un premier candidat – Emmanuel Macron – assis à table, en costume, discuter tranquillement avec des "représentants" dans une salle à moitié vide, tandis que Marine Le Pen souriait et serrait de nombreuses mains en se faisant applaudir par les salariés. Dans un reportage diffusé sur BFMTV le lendemain, jeudi 27 avril, la journaliste Samia Brakhlia expliquait que cette venue "surprise" avait été bien préparée à l'avance : croissants et sifflets apportés aux salariés, personnalités locales du FN venues soutenir Marine Le Pen, tout avait été préparé pour faciliter la rencontre entre la candidate et les ouvriers.
Le split-screen le plus cruel de l'histoire des campagnes électorales... #Macron #LePen pic.twitter.com/YxN1joTTmJ
— Antoine Maes (@AntoineMaes) 26 avril 2017
Du côté des réseaux sociaux, l’entreprise de Marine Le Pen avait été savamment orchestrée, puisque de nombreux cadres et militants du Front National partageaient des montages comparant les candidats et des images de Marine Le Pen avec des familles d’employés de Whirlpool.
Pour pouvoir lutter efficacement contre les délocalisations et le chômage, #ChoisirLaFrance !#Whirlpool pic.twitter.com/o3D8CzBnqH
— Nicolas Bay (@nicolasbayfn) 26 avril 2017
@MLP_officiel devant #whirpool en soutien aux salariés pic.twitter.com/RKHQKYtl8b
— alain vizier (@AlainVizier) 26 avril 2017
Sur Facebook, le camp Le Pen a également su réagir aux commentaires du camp Macron. Invité de TF1, Jacques Attali, soutien connu d’Emmanuel Macron, a affirmé que "Whirlpool, c’est une anecdote. Le cas de 300 personnes n’est pas du ressort du président". La boulette ! Quelques minutes plus tard, tous les médias reprenaient le commentaire, critiquant la position de Jacques Attali. Marine Le Pen n’avait plus qu’à capitaliser sur les réseaux :
Emmanuel Macron veut jouer le coup de poker
Dans cette campagne, Emmanuel Macron a été un fin stratège politique, puisqu’il a recueilli l’assentiment des Français un an à peine après avoir lancé son mouvement. Impossible de laisser Marine Le Pen l’emporter sur un moment qui deviendra sans doute un des marqueurs de cet entre-deux tours.
Vers 15h20, il s’est donc rendu sur le parking de Whirlpool et a fustigé l’initiative de Marine Le Pen, parlant à la presse d’une "utilisation politique" et soutenant qu’elle "’n'a pas compris comment fonctionne le pays". Mais il a été accueilli dans une ambiance houleuse, sous une nuée de sifflets et de quolibets lancés à son encontre.
Emmanuel Macron accueilli par des sifflets à Whirlpool pic.twitter.com/AM2USS9JEx
— BFMTV (@BFMTV) 26 avril 2017
Que faire pour se relancer ? Emmanuel Macron a attendu que l’ambiance se calme et a prié les caméras d’attendre devant les portiques de l’usine pour débuter un Facebook Live. Ainsi, il a réussi deux choses : laisser penser que l’ambiance était propice au débat serein et faire en sorte que les seules images disponibles de cette rencontre émanent de sa page Facebook personnelle. BFMTV a d’ailleurs repris en direct les échanges.
Un exercice périlleux réussi ou un naufrage face à la réalité du terrain (et du travail) ? Le contenu du Facebook Live, qui dure 45 min et a été vu près de 180 000 près à l’heure où nous écrivons ces lignes, est assez paradoxal. D’une part, on peut voir un Emmanuel Macron volontaire, répondant aux questions, ne se dérobant pas face à la colère des salariés.
D’un autre côté, en revanche, le caractère artisanal et direct du Facebook Live positionne le candidat dans des situations parfois délicates. "Vous êtes pour la mondialisation ?", interroge un homme. "Mais on est dans la mondialisation !", répond Emmanuel Macron avant de se faire huer par les salariés. De la même manière, le journaliste François Ruffin, qui dirige le journal Fakir et a réalisé le documentaire "Merci Patron", est venu interroger Emmanuel Macron et l’a notamment alpagué sur son amitié avec Bernard Arnault, propriétaire de LVMH. Ce qui a beaucoup fait rire les salariés de Whirpool.
Mais pour donner une image positive de l'échange, l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron était très présente. Sur sa page Facebook, durant et après l’échange avec les salariés, les community managers du candidat se chargeaient de faire le tri pour privilégier les commentaires positifs en les "épinglant" à la vidéo.
En somme, c’est un exercice plutôt réussi pour le candidat qui a réussi à contre-attaquer face à l’énorme coup de com’ de Marine Le Pen. Mais, dans tout ce brouhaha médiatique, difficile de savoir si la situation d'une usine centenaire et de ses 290 salariés mis sur le carreau va progresser.
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