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Le roi du yaourt grec dépose plainte contre Infowars, un site complotiste pro-Trump

Hamdi Ulukaya, patron milliardaire de l’entreprise de yaourt grec Chobani, a déposé plainte cette semaine contre le site américain complotiste Infowars pour avoir diffusé un grand nombre de fausses informations à son sujet.

Le roi du yaourt grec n’est pas content. Le patron de la société Chobani, Hamdi Ulukaya, a décidé de déposer plainte, lundi 24 avril, contre le site pro-Trump Infowars pour une série de "fake news" (fausses informations) et d’articles complotistes qui le mettent en cause. Cet immigré turc devenu entrepreneur milliardaire demande qu’Alex Jones, le controversé responsable du site, soit condamné à payer des dommages et intérêts. En cause, notamment : une fausse histoire de viol qui aurait été commis par des réfugiés syriens, employés par Chobani, inventée par Infowars.

Le site complotiste avait sauté sur un fait divers qui s’est produit en juin 2016 à Twin Falls, une commune de l’État d’Idaho où le groupe d’Hamdi Ulukaya a bâti la plus grande usine de yaourts grecs du monde. Trois jeunes adolescents - des enfants de réfugiés - y avaient attaqué une fillette de cinq ans. Passé à la moulinette à rumeurs d’Infowars, cette sombre affaire s’est transformée en "viols collectif avec attaque au couteau d’un enfant par trois adultes syriens employés par Chobani".

La police a eu beau contredire cette thèse, précisant qu’il n’y avait pas eu d’agression sexuelle, et qu’aucun couteau n’avait été retrouvé sur place, la rumeur a grossi dans les milieux de l’extrême droite américaine. Pas étonnant : Infowars - qui avec Breitbart News est l’un des principaux gagnants médiatiques de la victoire de Donald Trump - a répété l’histoire plusieurs fois y ajoutant une touche de théorie du complot. Les autorités locales auraient travesti la réalité pour protéger le puissant homme d’affaires, a ainsi claironné Alex Jones.

Des "fake news" en pagaille

Infowars ne s’est pas contenté de falsifier ce fait divers. Le site a aussi suggéré que les employés de Chobani avaient provoqué une poussée de tuberculose à Twin Falls et qu’Hamdi Ulukaya participait à un complot pour faire déferler un tsunami de réfugiés sur les États-Unis. Le milliardaire d’origine turc a demandé à plusieurs reprises à Alex Jones de retirer les contenus litigieux de son site, sans succès.

L'immigré qui a connu le "rêve américain"

Hamdi Ulukaya était plutôt montré comme l'exemple du "rêve américain" accessible aux immigrés. Il est arrivé aux États-Unis au début des années 1990, dans la région de New York où il a effectué sa scolarité. Il s’est lancé dans les affaires à partir de 2002 en vendant de la feta fabriquée selon une recette familiale.

En 2007, il a touché le jackpot en obtenant un prêt de 800 000 dollars pour racheter une usine de yaourts qui était sur le point de faire faillite. Il a alors fait le pari que les Américains allaient adorer le yaourt grec et fait appel à des réfugiés pour faire tourner sa première usine. Il a ensuite choisi Twin Falls pour se développer, en partie parce qu’il y avait un centre de réinstallation de réfugiés qui étaient déjà là avant même l’ouverture de l’usine.

En fait, Hamdi Ulukaya est devenu depuis plus d’un an l’une des cibles favorites de l’"alt-right" pro-Trump et de ses "fake news". Aux yeux de cette frange radicale de la population américaine, il incarne l’ennemi parfait : cet émigré défend depuis plus de deux ans la cause des réfugiés, s’est rendu sur l’île grecque de Lesbos où se trouvent des camps de migrants, a créé une fondation pour soutenir financièrement les structures d’accueil à travers le monde. Dans son usine, il a embauché des réfugiés syriens, irakiens et afghans.

De Twitter à Breitbart News, les articles trompeurs et messages haineux se sont multipliés depuis le printemps 2016. Internet pullule d’appels au boycott des yaourts grecs et le maire de Twin Falls a reçu des menaces de mort pour avoir soutenu publiquement Hamdi Ulukaya. Le gouverneur républicain de l’Idaho, Butch Otter, est même descendu dans l’arène à rumeurs pour défendre l’homme d’affaires. Il a rappelé que l’usine avait accéléré la croissance de Twin Falls en créant 1 000 emplois et que "la manière dont il traite ses employés est la même, qu’il s’agisse de réfugiés ou de personnes nées à 10 km d’ici".

La plainte déposée contre lui ne semble pas avoir impressionné Alex Jones. Dans une vidéo, celui qui se vante d’avoir l’oreille de Donald Trump voit dans cette action judiciaire une manipulation de l’investisseur hongrois George Soros qui, au travers de son "partenaire commercial islamiste [référence à Hamdi Ulukaya, qui n’est pas musulman] veut se battre contre le peuple américain". Qu’est-ce que Georges Soros vient faire dans cette galère ? Il est la bête noire d’Alex Jones qui ne manque pas une occasion pour impliquer le milliardaire philanthrope dans ses théories du complot.