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En Afghanistan, l'EI frappe à nouveau les forces américaines

L'EI a revendiqué mercredi un attentat contre un convoi de l'Otan près de l'ambassade américaine de Kaboul, qui a fait au moins huit morts. Cette attaque symbolique illustre la puissance du groupe dans le pays, où il est solidement implanté.

Quand on parle de l’organisation État islamique (EI), on pense Syrie, Irak ou Libye, voire Égypte, en raison des attentats qui ont visé la communauté copte le 7 avril. Mais le groupe jihadiste est également présent en Afghanistan à travers sa branche Khorassan, l’une des plus actives et des plus puissantes.

Cette branche a revendiqué l’attentat suicide du mercredi 3 mai contre un convoi de véhicules blindés de l’Otan à Kaboul, près de l’ambassade américaine, qui a fait au moins huit morts et 28 blessés. Selon l'EI, cette explosion a tué huit soldats américains, alors que les services hospitaliers afghans affirment que les morts sont des civils et que l’Otan parle de trois soldats américains légèrement blessés. Le bilan peut évoluer mais jusqu’à aujourd’hui, l’EI n’a jamais menti dans un communiqué. Il y a donc fort à parier qu’un observateur du groupe jihadiste était présent sur les lieux de l’explosion, et qu’il a pu repérer des militaires décédés. Difficile en revanche de savoir s’ils étaient ou non américains : les membres de forces spéciales afghanes, par exemple, portent un attirail similaire.

Plusieurs milliers de combattants

L’EI s’est implanté en Afghanistan dès la déclaration du "califat" le 29 juin 2014 ; plusieurs individus et groupuscules avaient alors prêté allégeance à l'organisation terroriste. Des allégeances confirmées par l’EI dès janvier 2015 avec l’annonce de la "willaya du Khorassan", un gouvernorat qui englobe des parties de l’Afghanistan et du Pakistan voisin, puis par la voix de feu le porte-parole de l’EI, Abou Mohamad al-Adnani.

Sous le commandement de Hafez Saïd Khan et son adjoint Abdel Raouf Khadem, ancien détenu de Guantanamo qui sera tué le 17 mars 2015 par une frappe de drone américain, le groupe a pu regrouper plusieurs milliers de combattants sous sa bannière. Ceux-ci sont principalement issus de trois groupes majeurs : les Taliban, le Mouvement des Taliban du Pakistan (TTP) et le Parti islamique d’Ouzbékistan actif en Afghanistan, au Pakistan et au Tadjikistan.

Les forces de l’ordre et l’armée afghanes ciblées

Dès 2015, l’EI va commencer à revendiquer officiellement des attentats et des attaques visant les forces de l’ordre et l’armée afghanes. Après cette date, les attentats se sont multipliés dans plusieurs provinces afghanes de même que les assassinats de fonctionnaires de la police mais également les bombardements transfrontaliers contre l’armée pakistanaise.

L’EI fait son "coup d’éclat" dans la capitale afghane, fin juin 2016, avec un attentat contre les forces népalaises qui sécurisaient l’ambassade américaine à Kaboul. Un attentat qui avait été revendiqué par les Taliban, avant que l’EI n’apporte la preuve de son forfait en publiant l’identité et la photo de son kamikaze. Fin juillet 2016, l’EI récidive dans les rues de la capitale afghane et commet un double attentat contre une manifestation de la communauté hazara, faisant plus de 80 morts. L’EI cible les Hazaras car elle estime que certains d’entre eux sont impliqués dans la guerre en Syrie du côté du régime, mais aussi parce qu’ils appartiennent à la branche chiite de l’islam.

Le 12 octobre 2016, jour de l’Achoura, un kamikaze de l’EI attaque un mausolée chiite à l’arme automatique, avant d’activer sa charge explosive de 13 kg faisant plusieurs morts et blessés à Kaboul. La dernière attaque de l’EI à Kaboul remontait au 8 mars 2017, quand cinq kamikazes ont attaqué à l’arme à feu et à l’explosif le principal hôpital militaire de la ville, faisant plus de 30 morts.

Attiser le feu des conflits confessionnels

Comme en Irak, en Syrie et dernièrement en Égypte, l’EI s’efforce, en Afghanistan, d’attiser le feu des conflits confessionnels, afin de faciliter son implantation durable là où les États centraux sont fragilisés. Parallèlement, l’organisation a mis en application une politique de "seul contre tous" suivant laquelle le groupe est désormais en guerre contre ses concurrents directs – les Taliban – qu’il qualifie désormais d’"apostats". D’ailleurs c’est l’émir de l’EI en Afghanistan qui fut le premier à révéler la mort du Mollah Omar, alors que les Taliban l’ont cachée à leurs sympathisants et au public pendant plus de deux ans.

Aujourd’hui, le principal des effectifs de l’EI se concentre dans la province de Nangarhâr à la frontière avec le Pakistan. C’est dans cette même province que les jihadistes ont revendiqué la mort d’un premier soldat américain le 5 octobre 2016. La deuxième attaque qui a visé l’armée américaine avec un engin explosif date du 13 mars 2017. Le 9 avril, l’EI attaque avec dix combattants une position commune des armées américaines et afghanes. Les autorités américaines reconnaîtront la mort d’un soldat américain dans cet affrontement, dans cette même province, qui a été visée par la bombe GBU-43 de 10 tonnes, larguée jeudi 13 avril par les États-Unis. Mais le Pentagone affirme qu’il n’y a aucun rapport entre la mort du soldat américain et le choix de la cible, qui serait basé sur des impératifs opérationnels en étroite collaboration avec les autorités afghanes.

Malgré l’usage inédit d’une telle bombe par les forces armées américaines, il ne faut pas non plus en exagérer l’effet et se rappeler que, dans un autre registre, les jihadistes eux-mêmes, tous bords confondus, ont eu recourt à des camions piégés contenant parfois jusqu’à vingt tonnes d’explosifs. Cette démonstration de force pourrait se lire comme un message à l’adresse de Moscou qui avance ses pions lentement mais sûrement en Afghanistan, s’étant même rapproché des Taliban dans le cadre de la guerre contre l’EI.