Par peur des violences, une grande majorité des habitants de Kinshasa sont restés chez eux lundi après l'interdiction par la police de la marche anti-Kabila, que l'opposition avait appelé de ses vœux dimanche.
Ambiance de ville fantôme à Kinshasa, captiale de la RD Congo. L’appel à manifester contre le président Joseph Kabila lancé par l’UPDS, le parti historique de l'opposition congolaise, n’a pas eu d’écho, lundi 10 avril. La population de la capitale, d’ordinaire bouillonnante, s’est majoritairement terrée chez elle après l'interdiction de tout rassemblement décrété dimanche soir par les forces de l’ordre.
À la mi-journée, le vacarme de la capitale, qui compte quelque 10 millions d'habitants, a fait place au silence caractéristique des journées de tension, alors que la présence policière et militaire était visible. Selon Thomas Nicolon, correspondant de France 24 en RD Congo, la circulation était "timide" sur les grands axes de Kinshasa, où la présence policière était importante. "Certains Kinois semblaient désabusées face à leur classe politique, opposition comme majorité, mais d’autres auraient souhaité manifester pacifiquement", rapporte le journaliste.
Sur les réseaux sociaux, des Kinois faisaient également le constat d'une capitale congolaise aux allures de ville morte.
"Comme il y a des policiers partout, j'ai préféré ne pas sortir", a confié à l'AFP Brel Kabeya, vendeur à la criée qui se dit pourtant "acquis au changement". Sympathisante de l'UDPS, Aurélie Makuntu, vendeuse sur un marché du sud de la capitale, expliquait avoir fait le même choix "pour éviter de [se] faire tuer ou blesser".
Félix Tshisekedi absent
L'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l'opposant historique Étienne Tshisekedi décédé en février à l'âge de 84 ans, avait appelé la population à manifester lundi dans toutes les villes de RD Congo contre le chef de l’État, au pouvoir depuis 2001.
Félix Tshisekedi, fils d'Étienne qui briguait ouvertement le poste de Premier ministre, a accusé dimanche le président, dont le mandat a expiré le 20 décembre 2016, d'être "le principal obstacle au processus démocratique" après que le chef de l'État eut annoncé, vendredi, la nomination à la tête du gouvernement d’un dissident de l'UDPS, Bruno Tshibala. Mais plutôt que de rester en RD Congo pour manifester, Félix Tshisekedi s'est envolé dimanche après-midi pour Addis-Abeba.
À Lubumbashi, deuxième ville du pays, dans le Sud-Est, l'activité a également tourné au ralenti lundi, de nombreuses boutiques étant restées portes closes, alors que les forces de l'ordre étaient déployées en masse, selon un correspondant de l'AFP. Goma, dans l’Est, a connu une situation similaire. La manifestation annoncée n'a pas eu lieu. Selon des témoins, la police y a dispersé à coups de gaz lacrymogène des groupes de jeunes qui tentaient de poser des barrages de pneus incendiés sur la chaussée au petit matin.
"Échec"
L'appel de l'opposition "à une déferlante populaire [...] a été un échec", a estimé devant la presse le président de l'Assemblée nationale, Aubin Minaku, chef de la coalition de la majorité présidentielle.
Sur France 24, l'opposant Olivier Kamitatu estime quant à lui que l'opération ne visait pas au "choc frontal" : "Kinshasa était totalement paralysée, mais aussi Lubumbashi, Goma, Kindu, Bukavu... Toutes les villes ont été paralysées. Et c'est une immense réponse accordée à un régime aujourd'hui totalement illégitime".
La RD Congo traverse une crise politique depuis la réélection de Joseph Kabila en 2011 lors d'une présidentielle entachée de fraudes massives. Les tensions ont été encore exacerbées avec son maintien au pouvoir après le 20 décembre, date ayant marqué la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel, dans un climat de violences ayant fait des dizaines de morts dans le pays, sur fond de pauvreté généralisée.
Sous l'égide de l'Église catholique, opposition et majorité ont signé le 31 décembre 2016 un accord prévoyant le maintien au pouvoir de Joseph Kabila jusqu'à l'entrée en fonctions d'un successeur devant être élu en 2017, en échange de la nomination d'un Premier ministre issu de l'opposition. Après trois mois de tergiversations sur le partage des postes entre les signataires de l'accord, le président, qui ne l'a pas signé, a fini par nommer Bruno Tshibala, ce que l'UDPS a qualifié samedi de "récompense à la trahison".
Avec AFP