
Après les émeutes meurtrières dans la province chinoise du Xinjiang entre les Ouïghours, musulmans, et les Hans, ethnie majoritaire en Chine, de nombreuses mosquées ont été fermées. Et les musulmans invités à prier chez eux.
Les autorités chinoises ont décrété la fermeture des mosquées à Urumqi ce vendredi, jour de prière pour les musulmans, après les violences ethniques qui ont fait 156 morts dans la capitale de la région autonome du Xinjiang.
"Je me suis rendu ce matin devant la plus grande mosquée de la ville, affirme Joris Zylberman, envoyé spécial de FRANCE 24 à Urumqi. Les soldats et la police étaient massés à tous les coins, jusqu’au sommet des minarets."
Dans un souci d’apaisement, les autorités ont toutefois consenti à autoriser l’ouverture de plusieurs lieux de culte dont la Mosquée blanche, où s'est pressé un millier de fidèles, parmi lesquels 500 Ouïghours.
Quelques heures auparavant, les habitants de la minorité ethnique musulmane ouïghoure de la ville avaient pourtant été invités à rester prier chez eux. "Les autorités veulent éviter que la prière du vendredi, la première depuis les évènements de dimanche, ne soit l'occasion pour la communauté ouïghoure de s'enflammer", poursuit Joris Zylberman.
Compréhension et frustration
Le calme est revenu dans les rues d’Urumqi, mais les prières du vendredi après-midi constitueront un test pour le gouvernement et sa capacité à empêcher de nouvelles attaques, comme celle de mardi lorsque des Hans, ethnie majoritaire en Chine, s’en sont pris à leurs voisins ouïghours.
Le pouvoir central a ordonné le déploiement de 20 000 militaires supplémentaires dans la province afin d’éviter une nouvelle flambée de violence.
Face à la fermeture des mosquées, la communauté ouïghoure reste partagée. Bien qu’ils affirment comprendre "le sens de cette interdiction", les quelques Ouïghours interrogés par Joris Zylberman à Urumqi, peinent à cacher leur frustration.
"Je préfère rentrer chez moi en attendant que les choses se clament", déclare une femme à l’AFP. "On ne peut rien faire
[...] le gouvernement a peur que la population utilise la religion pour soutenir les trois forces", rétorque un autre Ouïghour, faisant référence à l'extrémisme, le séparatisme et le terrorisme qui, selon Pékin, menacent l'unité du pays.
Pékin pointe les séparatistes et les terroristes du doigt
Le gouvernement central chinois a immédiatement accusé les séparatistes ouïghours, qualifiés de "terroristes", d’être à l’origine des troubles qui ont secoué le Xinjiang ces derniers jours.
Dès le lendemain des violences, les autorités du Xinjiang ont affirmé avoir des "preuves solides" de l'implication du Congrès mondial ouïghour de la dissidente en exil Rebiya Kadeer. Sans convaincre.
Pour nombre d’experts, la flambée de violence est la conséquence de la frustration d'une minorité ethnique "au bout du rouleau".
"C'est une technique utilisée depuis longtemps par Pékin qui consiste à mettre sur le dos de la diaspora ouïghoure tout de ce qui se passe au Xinjiang, estime Thierry Kellner, chercheur à l’Institut d’études de la Chine contemporaine de Bruxelles (BICCS). Il s’agit d’un moyen aussi de se dédouaner de ses propres erreurs."
Les dirigeants chinois, réunis mercredi autour du président Hu Jintao rentré en urgence du sommet du G8 en Italie, ont annoncé que les coupables des violences seraient "sévèrement punis".
Les autorités ont procédé à plus de 1 400 arrestations, très majoritairement parmi la communauté ouïghoure.