La banque suisse UBS et sa filiale française ont été renvoyées, lundi, devant le tribunal correctionnel. Elles sont accusées d’avoir démarché de riches clients entre 2004 et 2011 en France et de les avoir incités à ouvrir des comptes en Suisse.
Le procès UBS aura bien lieu en France. Le groupe suisse, poids lourd mondial de la gestion de fortune, a été renvoyé lundi 20 mars, avec sa filiale française, devant le tribunal correctionnel.
La maison mère UBS AG est accusée de "démarchage bancaire illégal" ainsi que de "blanchiment aggravé de fraude fiscale" et sa filiale française de "complicité", a appris l'AFP de source proche de l'enquête. Cinq hauts responsables de la banque en France et en Suisse feront également l’objet d’un procès.
Dans un véritable coup de théâtre, l'ancien numéro 2 d'UBS France, Patrick de Fayet, avait indiqué au juge et au parquet national financier (PNF), le 24 juin 2016, qu’il reconnaissait sa culpabilité, s’agissant de l’infraction principale, à savoir le démarchage illicite, rappelait Le Monde en juillet dernier. Il bénéficiera donc d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Cette procédure permet d’éviter un procès à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés.
"Ce qui nous est reproché n'est pas fondé"
Dès l’annonce de l’ouverture prochaine de ce procès, UBS a aussitôt et une nouvelle fois contesté "les allégations et les qualifications retenues". "Il n'y a pas de surprise particulière", a commenté l'un des avocats de la banque, Denis Chemla : "Ce qui nous est reproché n'est pas fondé".
UBS est accusée d’avoir mis en place un système de démarchage entre 2004 et 2011 en France. Pour approcher les potentiels futurs clients, les chargés d’affaires d’UBS, surnommés les "chasseurs", utilisaient notamment des événements mondains tels que le tournoi de tennis de Roland-Garros, des parties de chasse ou des soirées à l’Opéra. Pour courtiser les riches contribuables français, la banque est allée jusqu’à créer son propre tournoi, l’UBS Golf Trophy, dont la finale se tient chaque année à Évian, sur la rive française du lac Léman, selon Le Monde.
Dans le réquisitoire définitif du PNF, que Le Parisien a pu consulter, les magistrats affirment que "le principal service fourni par UBS AG à ses [...] clients résidents fiscaux français [...] a été la possibilité de bénéficier du secret fiscal". Ils précisent ensuite qu'"UBS AG est décrite [...] par plusieurs témoins comme une banque ayant fondé son modèle d'affaires sur les comptes non déclarés [...]."
Non seulement UBS AG aurait aidé des contribuables français à échapper au fisc, mais elle aurait effectué un démarchage illégal car elle ne disposait pas de licence pour opérer en France. Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, la banque est aussi accusée d'avoir mis en place une double comptabilité. Un système dénoncé à la justice par d'anciens salariés.
Que risque UBS ?
Poursuivie depuis 2013 pour démarchage illicite, UBS AG avait été mise en examen en juillet 2014 pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, après l'échec de négociations sur une possible procédure de plaider-coupable.
Les juges d'instruction, Guillaume Daïeff et Serge Tournaire, avaient assorti cette mise en examen d'une caution record de 1,1 milliard d'euros, que la banque a contestée en vain, devant la cour d'appel de Paris puis devant la Cour de cassation.
Selon le code pénal, les peines d'amende sanctionnant les délits de blanchiment et blanchiment aggravé de fraude fiscale "peuvent être élevées jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment". En l’occurrence, près de 10 milliards d’euros.
Le PNF avait rappelé cette règle en juin 2016 dans ses réquisitions et donc laissé entendre que l’amende imposée à UBS pourrait atteindre 5 milliards d’euros.
Le groupe suisse s’est vu proposer par le PNF une transaction pouvant lui permettre d’échapper à un procès. Mais le JDD a révélé dimanche 19 mars qu’UBS a refusé de verser au parquet la somme demandée de 1,1 milliard. Selon l’hebdomadaire, le parquet a, un moment, envisagé de réclamer 2,2 milliards à la banque.
S’il est reconnu coupable à l’issue de son procès, le groupe suisse devra donc payer une amende de 5 milliards d'euros maximum. En théorie seulement car "jamais un tribunal français n'a accordé une telle somme", souligne Les Échos. Le quotidien ajoute que, pour condamner le groupe, le parquet va devoir "prouver précisément les sommes blanchies". Une simple estimation ne suffira pas à convaincre les juges.
Avec AFP