Réunions publiques interdites, journaliste arrêté et soupçons de soutien au mouvement Gülen, les motifs de tensions entre la Turquie et l'Allemagne se multiplient à l'approche du référendum constitutionnel du 16 avril.
L’escalade verbale du gouvernement turc à l’égard de l’Allemagne se poursuit. Le président Recep Tayyip Erdogan s’est félicité dimanche 19 mars, lors d’un discours devant une fondation islamique à Istanbul, de l’arrestation fin février du journaliste turco-allemand Deniz Yücel, correspondant du magazine Die Welt, qu'il accuse d'être un agent terroriste.
Le porte-parole du chef de l'État, Ibrahim Kalin, a dans le même temps dénoncé la "Turquiephobie" qui s'est selon lui emparée de l'Europe. Plusieurs réunions publiques destinées à la diaspora turque en vue du référendum constitutionnel prévu le 16 avril en Turquie ont été interdites ces dernières semaines en Europe.
Deux nouveaux rassemblements politiques turcs ont été interdits jeudi, le premier dans la ville allemande de Hanovre, le second dans la ville autrichienne d'Innsbruck.
"Quand on les traite de Nazis, cela ne leur plaît pas. Ils manifestent leur solidarité. En particulier Merkel", a déclaré Recep Tayyip Erdogan dans un discours télévisé. "Mais tu as recours en ce moment précis à des pratiques nazies", a-t-il lancé à l'adresse de la dirigeante allemande.
"Nous sommes tolérants mais nous ne sommes pas des imbéciles", lui a répliqué le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel dans le quotidien allemand Passauer Neue Presse à paraître lundi. "J'ai donc fait savoir très clairement à mon homologue turc (Mevlut Cavusoglu, ndlr) qu'une limite avait été ici franchie" suite aux propos "choquants" d'Erdogan, a-t-il ajouté.
"Hier, l'Allemagne a donné son nom à un nouveau scandale"
Par ailleurs, la Turquie a convoqué dimanche l'ambassadeur d'Allemagne pour protester fermement au lendemain d'une manifestation de Kurdes à Francfort lors de laquelle des drapeaux des combattants kurdes ont été brandis, a annoncé le palais présidentiel, évoquant un "scandale".
Quelque 30 000 personnes principalement d'origine kurde ont manifesté samedi à Francfort pour réclamer "la démocratie en Turquie" et "la liberté pour le Kurdistan".
Des manifestants ont également appelé à voter non au référendum du 16 avril sur une extension des pouvoirs du président turc Recep Tayyip Erdogan.
"Hier, l'Allemagne a donné son nom à un nouveau scandale", a lancé Ibrahim Kalin sur la chaîne CNN-Turk, se plaignant de l'apparition de l'insigne du "groupe séparatiste terroriste", référence au PKK, lors de la manifestation.
"Le putsch n'était qu'un prétexte bienvenu", selon le patron des renseignements extérieurs allemands
Autre illustration des échanges acerbes presque quotidiens entre Ankara et Berlin, le porte-parole d'Erdogan a accusé les autorités allemandes de soutenir le réseau du prédicateur musulman et opposant Fethullah Gülen. Ce dernier, qui vit en exil aux États-Unis depuis 1999 et dont la Turquie demande l'extradition, est accusé par Ankara d'être l'instigateur du coup d'État militaire manqué de juillet 2016.
Le patron des renseignements extérieurs allemands, Bruno Kahl, a assuré samedi dans un entretien avec l’hebdomadaire Der Spiegel que contrairement à ce qu'affirme Ankara, le prédicateur Fethullah Gülen n'est pas à l'origine du putsch raté de juillet en Turquie.
"Ce que nous avons vu à la suite du putsch, aurait eu lieu de toute façon, peut-être pas avec la même ampleur et avec une telle radicalité", a-t-il assuré, ajoutant que "le putsch n'était qu'un prétexte bienvenu".
Pareille déclaration, a estimé Ibrahim Kalin, est la preuve que l'Allemagne soutient Feto, l'acronyme utilisé par Ankara quand il s'agit de parler de "l'Organisation terroriste güleniste".
Avec AFP et Reuters