
En accusant les fonctionnaires de parti pris, Marine Le Pen attaque un changement de registre du FN.
Lundi 26 février, François Hollande a indiqué qu’il n'accepterait "jamais qu'on puisse mettre en cause les fonctionnaires dans notre République". Une allusion à la charge lancée dimanche, en meeting à Nantes, par la candidate du Front national. Alors que son camp est visé par des enquêtes judiciaires, Marine Le Pen a, en effet, mis en garde de manière très directe les fonctionnaires : "Je veux dire publiquement, ici, aux fonctionnaires à qui un personnel politique aux abois demande d'utiliser les pouvoirs d'État […] de se garder de participer à de telles dérives", a averti la leader frontiste. Et d'ajouter, qu’après les élections, "ces fonctionnaires devraient assumer le poids de ces méthodes illégales".
France 24 a interrogé Nicolas Lebourg, chercheur à l’Université de Montpellier, historien de l'extrême droite et auteur de "Les Droites extrêmes en Europe" (aux éditions Le Seuil) sur cette attaque frontale des fonctionnaires.
France 24 : Comment percevez-vous la charge de Marine Le Pen contre les fonctionnaires lors de son meeting à Nantes ?
Nicolas Lebourg : À mon sens, c’est tout à fait inédit dans une campagne présidentielle, d'autant plus de la part d’une candidate que tous les sondages donnent qualifiée pour le second tour. C’est aussi à contre-courant des messages envoyés depuis un an par le Front national. La "petite" fonction publique – qui comprend la catégorie C – est clairement un électorat ciblé par le FN. Tout au long de l’année 2016, le FN n’a d’ailleurs eu de cesse de chercher à séduire les agents de la fonction publique hospitalière, les enseignants… Même si ce week-end, Marine Le Pen visait surtout la haute fonction publique, c’est un changement de message.
Comment expliquer ce changement de discours ?
À ce stade, c’est difficile à interpréter. Il y a plusieurs possibilités. Entre la montée des nationalistes populistes en Europe de l’Est, le tournant autoritaire de Recep Tayyip Erdogan en Turquie et l’arrivée de Donald Trump aux États-Unis, la période engage peut-être Marine Le Pen à ce genre de sortie. La demande d’autorité semble telle que cela peut s'inscrire dans une stratégie. Autre hypothèse : il s’agit d’une erreur de sa part et Marine Le Pen vient de livrer en "une boulette" le fond réel de sa pensée.
Dimanche, Marine Le Pen a aussi parlé d’"agents dévoués", d’"État patriote"… Qu’est-ce que cela vous inspire ?
La rhétorique du dévouement s’inscrit, pour le coup, dans la lignée du discours que Marine Le Pen délivre habituellement aux différents corps de fonctionnaires, aux enseignants notamment. Quant au qualificatif "patriote", il est l’autodéfinition politique même du FN.