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"L'islamophobie ne se traduit plus dans la rue mais dans les urnes"

Les actes antimusulmans ont connu une nette baisse en 2016, selon le rapport du collectif contre l'islamophobie publié mardi. Le rejet de la religion pourrait toutefois se traduire dans les urnes, avance le chercheur Jean-Yves Camus.

C'est en apparence une baisse importante incontestable. Dans son rapport annuel publié mardi 31 janvier, le Collectif contre l'islamophobie (CCIF) fait état d'un net recul des actes islamophobes pour l'année 2016, en baisse de 35,9 % par rapport à 2015 et de 24,1 % par rapport à 2014.

L'association, qui a recensé 419 discriminations, 39 agressions, 25 attaques et dégradations contre des édifices religieux ainsi que 98 discours haineux, égraine quelques exemples concrets : Nahil, 11 ans, a été traité d'"apprenti terroriste" par sa professeure pour avoir construit un pistolet en papier ; une femme voilée a été agressée au couteau par une autre mère devant une école ; une salle de prière a été incendiée à Ajaccio ; le maire de Cannes publie un arrêté anti-burkini ; un médecin est sanctionné pour avoir refusé de soigner une femme portant un foulard ; le patron du restaurant "Le Cénacle" de Tremblay-en-France refuse de servir deux femmes voilées...

Les effets de l'état d'urgence

Dans son rapport, le collectif dénonce une "islamophobie en évolution" qui se caractérise par un recul des actes, des discriminations et des violences interpersonnelles par rapport à l'année 2015, marquée notamment par les attentats en janvier et novembre à Paris. Le ministère de l'Intérieur se targue de cette nette amélioration en affirmant qu'elle est le "fruit des actions entreprises par le gouvernement", après le lancement en avril 2015 d'un plan d'action à 100 millions d'euros pour "lutter contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination liées à l'origine ou à la religion".

"L'état d'urgence a clairement permis de protéger la population, estime pour sa part le spécialiste des nationalismes et extrémismes en Europe, Jean-Yves Camus, interrogé par France 24. Les policiers et militaires déployés devant tous les lieux de culte des villes de France ont eu effet dissuasif".

Reste que la lutte contre le terrorisme n'a pas eu qu'un impact positif, relève le rapport qui déplore une "islamophobie sécuritaire, affectant les musulman(e)s à travers une politique anti-terroriste mettant à mal l’État de droit". Depuis la mise en place de l'état d'urgence en novembre 2015, ce ne sont pas moins de 4 000 perquisitions et assignations à résidence menées et plus de 8 000 signalements relevés sur les lignes de dénonciation pour "radicalisation". 

Islamophobie politique

"Un certain nombre d'incidents, comme des têtes de cochons accrochées sur une mosquée, ne relèvent pas de la violence mais restent très agressifs", poursuit le politologue. Les personnes qui rejettent la communauté musulmane ne le manifestent pas forcément à travers des actes violents ou terroristes.

"Le terrosime d'extrême-droite, tel qu'on a pu le voir au Québec, n'existe pas en France, ajoute Jean-Yves Camus. Plutôt que de prendre un revolver ou d'attaquer des musulmans dans la rue, ils préfèrent voter pour l'extrême droite". Résultat : les Français expriment leur haine envers les musulmans en votant Front national. 

Sur ce point, le rapport cible "la quasi omniprésence d'une islamophobie politique, de l'extrême droite à la gauche". Il cite notamment des déclarations de François Fillon et de Nicolas Sarkozy, mais aussi de Manuel Valls, nommé 18 fois pour ses propos divers et prises de positions.