À quatre jours du premier tour de la primaire de la gauche, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont tenu, mercredi soir à Paris, leur dernier grand meeting de campagne. Reportage dans les XIVe et XIXe arrondissements autour de ce duel à distance.
Alors que la dernière semaine de campagne avant la primaire de la gauche est marquée par des tensions entre les camps Hamon et Montebourg, les deux anciens ministres, qui se disputent les électeurs à la gauche du Parti socialiste, ont chacun tenu, mercredi 18 janvier à Paris, leur dernier gros meeting de campagne.
Dans le nord-est parisien, Arnaud Montebourg a, pendant plus d'une heure, appelé son auditoire du gymnase Jean Jaurès, à "reprendre son destin en main" et à "ne pas céder au mur des tout-puissants".
Pour de nombreux sympathisants, c'est un discours qui fera date. Une rose à la main, Valérie, militante de 45 ans vêtue d'une marinière [dont Montebourg a fait sa marque de fabrique], ne cache pas son émotion : "Ça fait du bien d'être là, ça fait du bien d'entendre un discours de gauche, de voir que quelqu'un croit encore en nos valeurs, s'exclame-t-elle. On a retrouvé le même engouement que lors du discours du Bourget", ajoute-t-elle en référence au discours prononcé le 22 janvier 2012 par François Hollande, alors candidat à la présidentielle, pour lancer sa campagne.
Valérie Mery, qui habite au Bourget est ravie du discours de Montebourg pic.twitter.com/jNdihM73nK
— segolene (@Segolenea) January 18, 2017Marie-Paule, 58 ans, qui a fait le déplacement depuis Tours, ne regrette pas non plus d'être venue : "Arnaud a une vision globale et nous parle concrètement. J'y crois pour dimanche", affirme la sympathisante qui compare elle aussi ce discours à celui du Bourget. "Sauf que cette fois-ci, Montebourg défend des idées plus réalistes".
Dans une salle comble pouvant accueillir plus de 2 000 personnes, le chantre du "Made in France" a réussi à réunir pour son dernier grand meeting avant le premier tour de la primaire de la gauche, dimanche 22 janvier, Gérard Filoche et Guy Bedos, qui ont chacun leur tour enflammé les sympathisants. "Je suis contre le revenu universel, je suis pour la fiche de paie pour tous", a lancé sous les ovations du public l’ancien inspecteur du travail, lui aussi candidat à la primaire avant que sa candidature ne soit rejetée faute de parrainages suffisants. Vient ensuite l'humoriste : "Ses études, sa formation, c'est tout juste s'il est de gauche", glisse-t-il, provoquant de grands fous rires dans le public.
Ces invités de marque ont failli faire de l'ombre au candidat lui-même, qui est allé jusqu'à érailler sa voix pour mobiliser les troupes et rappeler les grandes lignes de son programme : la démondialisation, la relance par l’investissement, la fin de la politique d'austérité, l'abrogation de la loi El Khomry, la mutuelle à 10 euros, etc. Il a également appelé haut et fort à "savoir dire non aux tout-puissants" et "à créer une VIe République".
"Ces propositions que je formule ne sont pas expérimentales pour 2022, ce sont des propositions immédiatement opérationnelles pour dans quatre mois", a-t-il enfin lancé, dans une allusion à peine déguisée au revenu universel de Benoît Hamon, alors qu’il venait tout juste de défendre une nouvelle fois la "valeur travail".
"Le débat s’est structuré sur les propositions que j'ai mises sur le devant de la scène"
Au même moment, justement, Benoît Hamon proposait, lui, un autre modèle de société devant quelque 3 000 personnes réunies à l’Institut national du judo, dans le XIVe arrondissement. "Identité, sécurité, fermeté. Il y a quatre mois, on pensait que la primaire se jouerait là-dessus, mais le débat s’est structuré sur les propositions que je, que nous avons mises sur le devant de la scène", a-t-il affirmé.
À quatre jours du premier tour, celui qui avait été présenté d’emblée comme un outsider – le "troisième homme" du duel annoncé Valls-Montebourg – a fait salle pleine et apparaît comme un concurrent sérieux.
Dans la foule de ceux qui sont venus l’écouter mercredi soir, Noé et Eva, étudiants en droit à Sceaux, étaient là "pour le fun", mais aussi pour entendre le candidat parler en longueur de son programme, "pas comme à la télé".
Noe et Eva, 19 ans, étudiants en droit à Sceaux, sont venus "pour le fun" pour "être convaincus" #Hamon2017 pic.twitter.com/P1s1L6UWMb
— alcyone wemaëre (@alcyonekenobi) January 18, 2017Cela tombe bien : Benoît Hamon a joué toute la soirée au pédagogue, revenant sur chacune de ses propositions pour "répondre aux critiques", qu’il "accepte". Accusé de rétropédalage sur sa proposition de revenu universel d’existence, il a précisé le financement de la première étape pour les 18-25 ans : 45 milliards d’euros. Mais comme pour son idée de 49-3 citoyen, vivement attaquée par François de Rugy lors du deuxième débat télévisé, l’ancien ministre de l’Éducation nationale a surtout fait valoir qu’il ne détenait pas la vérité, mais qu’il montrait "un chemin". "La question n'est pas de savoir s'il y aura revenu universel, mais quel revenu universel", a-t-il résumé.
Dans la salle, Lionel, 60 ans, éducateur, compte justement sur Benoît Hamon pour "reconstruire la gauche". C’est lui qu’il veut à la tête du Parti socialiste. Pour Hamon, il serait prêt à reprendre sa carte au PS qu’il avait quitté en 1986. Mais croit-il encore possible de voir la gauche accéder au second tour de la présidentielle ? "Non", répond-il sans la moindre hésitation.
Même son de cloche chez Véronique et Solange. Pour ces sœurs jumelles toutes deux enseignantes, "Benoît Hamon a réveillé quelque chose à gauche". Mais si elles voteront pour lui dimanche, c’est davantage pour donner une légitimé à leur famille politique face à la droite que dans l’espoir de la voir gagner la présidentielle.
Benoît Hamon peut-il toutefois incarner un tel espoir ? Lui veut le croire, même s’il est conscient de la complexité de la tâche. Pour conclure son meeting, l’intéressé a en effet jugé que "le rassemblement de la gauche" était le chemin le plus difficile.