Des documents retranscrivant une partie des derniers interrogatoires de Saddam Hussein révèlent que l'ex-dirigeant irakien feignait de posséder des armes de destruction massive afin de ne pas paraître vulnérable aux yeux de l'Iran voisin.
Alors qu’à Bagdad, à Bassora et à Mossoul, les Irakiens fêtent encore le retrait, entamé mardi, des troupes américaines des grandes villes de leurs pays, à Washington, les documents relatant les derniers entretiens de Saddam Hussein avec le FBI ont été déclassifiés mercredi. Des dizaines de pages dans lesquelles l’ex-numéro un irakien affirme que, plutôt que de laisser apparaître sa vulnérabilité, il avait préféré faire croire que son pays disposait d'armes de destruction massive, ces fameuses ADM à l’origine de l’intervention militaire américaine en Irak, en 2003.
Dans ces documents, comptes rendus de 20 interrogatoires et au moins cinq "conversations impromptues", l’agent du FBI, George Piro, qui a mené la plupart des entretiens, raconte que l’ancien homme fort de Bagdad pensait son pays menacé par d'autres pays de la région, en particulier l’Iran. L’Irak, en guerre contre son voisin pendant huit ans (1980-1988), devait se montrer à même de se défendre. Quitte à s’attirer les foudres des Nations unies.
Selon Saddam Hussein, les inspecteurs de l’ONU, qui attendaient d’être nourris, logés, blanchis par Bagdad, "auraient directement désigné aux Iraniens à quels endroits ils pouvaient infliger le maximum de dommages à l'Irak", lit-on dans ces documents.
Il affirme également que "les capacités militaires de l'Iran avaient fortement augmenté tandis que celles de l'Irak avaient été éliminées par les sanctions de l'ONU", une situation dont les conséquences se feraient "sentir dans le futur alors que les capacités d'armement de l'Iran deviendront une plus grande menace pour l'Irak et toute la région".
"Nous lutterons en secret"
Tout au long des pages, Saddam Hussein, interrogé à chaque fois dans sa cellule du centre de détention américain située près de l'aéroport de Bagdad, semble jouer au chat et à la souris avec l’agent et ne répond jamais clairement aux questions concernant les ADM. Il refuse en particulier de dire si des armes chimiques avaient été utilisées contre son propre peuple et contre l'Iran. "Je ne me laisserai pas coincer dans ce genre de débat technique", rétorque-il alors à George Piro.
Lors de l’un des entretiens, il ironise même. "Mais mon Dieu, si j’avais eu de telles armes, je m’en serai servi dans la guerre contre les Etats-Unis", rapporte le document daté du 13 février 2004.
Avant de fuir Bagdad deux jours après l’arrivée des Américains, le 9 avril 2003, Saddam Hussein dit avoir confié à des proches conseillers qu’ils "lutteraient en secret". Il affirme également ne jamais avoir considéré les États-Unis comme ses ennemis mais que c’était le système de gouvernement américain dans son ensemble qu’il combattait. Lors d’un entretien, l’ancien raïs va jusqu’à souhaiter aux Américains, comme aux Iraniens, de progresser dans tous les domaines, tant économiques que religieux.
Capturé près de Tikrit , au nord de Bagdad, quelques mois après le début de l’invasion américaine en mars 2003, Saddam Hussein a été pendu en décembre 2006. Il venait d’être reconnu coupable de crimes contre l'humanité par la justice irakienne, pour la mort de 148 chiites à la suite d'une tentative d'assassinat contre lui en 1982. Il a été entendu par le FBI entre février et mars 2004.