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Omaid, un réfugié afghan sur les bancs de Sciences-Po

Originaire de la région de Nangarhâr en Afghanistan, Omaid vit depuis un an en France. Il rêve de pouvoir rentrer dans son pays natal, mais en attendant, il a repris les études… à Sciences-Po.

Omaid Shegiwal paraît plus jeune que son âge, aussi bien par son apparence physique que par sa manière d’être. Le jeune homme a les traits tirés mais un sourire éclaire son visage. À 28 ans, il a tout quitté en Afghanistan pour rejoindre la France, laissant derrière lui sa femme et ses deux enfants en bas âge. Un père médecin, un travail à l’ambassade américaine : Omaid était pourtant promis à un bel avenir. Mais menacé par les Taliban, il a dû fuir son pays en septembre 2015. Avec un visa touriste, il se réfugie en France, où vit un de ses cousins. Il fait alors une demande d’asile et, en mai dernier, son dossier est accepté. Il obtient le statut de réfugié et un titre de séjour de 10 ans.

S’intégrer au plus vite

Un jour, en cherchant sur Internet comment reprendre les études, le jeune homme, dont les cheveux foncés encadrent le visage, tombe sur le programme "Welcome refugees" de l’association Wintegreat. Fondé par deux étudiants de 21 ans pour "redonner du lien social et intégrer au mieux les migrants", le programme propose 20 heures de cours par semaine tout au long de l’année scolaire dans des grandes écoles. Des cours de français, d’anglais et de vivre-ensemble sont dispensés à un groupe de 20 réfugiés. Et c’est à Sciences-Po, "cette mythique école, connue dans le monde entier", comme il la décrit, que Omaid reprend le chemin de l'école.

Plus qu’un enseignement, le programme "Welcome refugees" lui permet de faire de nouvelles rencontres et d’éviter le sentiment d’isolement, que de nombreux réfugiés ressentent dans un nouveau pays car confrontés à une langue inconnue et pour la plupart, à une culture bien différente de la leur. Omaid se souvient d’ailleurs de son premier étonnement à son arrivée en France. "En Afghanistan, quand on va au restaurant, c’est toujours l’homme le plus âgé qui paye l’addition. Ici, vous partagez. Je trouve ça super", s’amuse-t-il.

Les cours de vivre-ensemble permettent, par exemple, de se familiariser avec les us et coutumes de la France, à travers des leçons d’histoire, de vie politique mais aussi des enseignements sur les médias. "Une bonne manière pour s’intégrer", résume Omaid. Entre deux cours, il passe beaucoup de temps à la bibliothèque, "pour apprendre au plus vite le français", clé de l’intégration selon lui. Il regarde aussi de nombreux films et écoute de la musique. "J’adore Indila et Stromae. Et en plus, ça me permet d’apprendre le français d’une manière ludique". Ou comment allier l’utile à l’agréable.

À la rentrée prochaine, il espère être admis au master "politiques publiques : administration publique" de Sciences-Po. D'ici là, le jeune homme, qui soigne toujours son apparence vestimentaire, souhaite trouver un emploi le plus rapidement possible. Fort de son expérience à l’ambassade en Afghanistan, il postule dans le secteur administratif.

S’occuper pour éviter de penser

Le quotidien d’Omaid ne se résume pas seulement à ces activités. Deux fois par semaine, pendant 2 heures, il aide les migrants avec l’association Utopia56 et le comité de soutien des migrants de La Chapelle. En tant qu'interprète bénévole, il fait le lien entre les institutions, les associations et les réfugiés afghans. Omaid participe également aux distributions de vêtements. Et quand le jeune afghan rentre chez lui, il cuisine pour ensuite partager le repas avec des migrants qui dorment dans les rues de Paris. En somme, il ne s’arrête jamais. Son temps libre, il le passe à visiter la ville et ses environs : parcourir le musée d’Orsay, se balader dans les jardins du château de Versailles ou encore flâner dans les rues de la capitale avec ses nouveaux amis.

Derrière ce rythme intense se cache le besoin d'être occupé, de ne pas trop penser et "d’éviter d’avoir de mauvaises idées, de déprimer". Car sa vie d’avant lui manque. En premier lieu, sa femme et ses enfants. Chaque jour, grâce à Internet, il correspond avec eux. Mais le virtuel ne remplace pas le réel. Il repense aussi souvent à son travail en Afghanistan. Difficile de tout reprendre à zéro. "J’avais une vie confortable chez moi mais c’est comme ça", lâche-t-il d’un ton fataliste. "Au pays, je gagnais 1 500 dollars par mois. Aujourd’hui je touche 470 euros de la CAF (NDLR : Caisse d’allocations familiales). Ça me permet de payer mon loyer", explique celui qui vit avec son cousin et trois autres personnes dans un petit appartement de Saint-Denis, en région parisienne. Quand il parle de son pays, ses yeux brillent. Sur son téléphone, les nombreuses photos de sa vie en Afghanistan en témoignent. Mais comme toujours, il ne perd pas son naturel optimiste. "Quand j’aurai un travail, j’essayerai de faire venir ma femme et mes enfants", renchérit-il. Cependant, Omaid ne s’attendait pas à ce que les choses soient si compliquées. "Je pensais que j’aurais vite un appartement, que trouver du travail serait plus facile", confesse-t-il. Il se donne deux ans pour y arriver. Sinon il retournera chez lui où, il espère, les Taliban ne le chercheront plus.