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Usine au Mexique : Ford cède bien volontiers à Trump

Donald Trump s'est posé en défenseur du "made in USA" après l'annulation par Ford de la construction d'une usine au Mexique. Mais loin d'obéir au président élu, le constructeur a profité du contexte pour abandonner un projet jugé peu rentable.

Donald Trump fait céder Ford”, dixit Le Figaro. “Trump fait plier Ford qui renonce à délocaliser au Mexique”, affirme de son côté L’Obs, quand le tabloïd américain New York Post évoque "l'effet Trump". À lire les titres de la presse, mercredi 4 janvier, le nouveau président américain, Donald Trump, serait en bonne voie pour gagner son pari électoral du “made in America”. Les apparences sont certes flatteuses pour le prochain locataire de la Maison Blanche (il sera officiellement investi le 20 janvier).

Le constructeur automobile américain Ford a renoncé, mardi 3 janvier, à établir une nouvelle usine au Mexique pour y fabriquer une partie de ses petites voitures (comme la Ford Focus), actuellement conçues sur le sol nord-américain. Le projet allait coûter 1,6 milliard de dollars et le groupe a décidé d'allouer une partie de cette somme - 700 millions de dollars - au développement des véhicules électriques dans son usine du Michigan.

La faute aux crossovers

Donald Trump s’est rapidement attribué, sur Twitter, le mérite de cette volte-face industrielle. Mark Field, le PDG de Ford, a ajouté de l’eau au moulin présidentiel, citant un “meilleur environnement économique et industriel sous la présidence de Donald Trump”.

Ford était dans le collimateur de Donald Trump depuis novembre. Le président élu avait fait du groupe l’une de ses cibles favorites sur Twitter; affirmant œuvrer sans relâche pour que la production des voitures du constructeur reste aux États-Unis au lieu d’être délocalisée au Mexique. Ce travail de cyber-sape aurait-il finalement payé ?

La réalité est bien plus complexe et moins flatteuse pour Donald Trump. L’usine mexicaine que Ford comptait construire à San Luis Potosi était devenue un casse-tête pour le constructeur. Les véhicules qui devaient y être produits présentent de moins en moins d’intérêt économique. La demande pour les petites voitures est, en effet, en baisse aux États-Unis. “Les Américains leur préfèrent les crossovers [entre la berline et l’utilitaire, NDLR]”, souligne le Washington Post. La baisse du prix du pétrole - et donc de l’essence - a rendu ces grosses cylindrées financièrement plus intéressantes.

Trump offre une porte de sortie à Ford

L’une des premières victimes de cette tendance a été la Ford Focus, dont les ventes annuelles sont passées de 250 000 en 2011 à un peu plus de 150 000. Afin d’essayer de faire des économies, le constructeur a décidé en septembre 2016 de délocaliser sa construction à San Luis Potosi où la main d’œuvre est moins chère. Mais la tendance du marché est tenace : le choix de la délocalisation risquait de ne pas suffire. Mark Field l’a d’ailleurs reconnu, mardi 3 janvier, sur la chaîne CNBC. “La demande [pour la Ford Focus] n’est pas à la hauteur de ce que nous espérions pour cette usine mexicaine”, a-t-il lâché.

Le groupe qui s’était engagé auprès du Mexique à bâtir l’usine ne savait plus comment se sortir de ce coûteux projet. Des sous-traitants mexicains avaient même commencé à engager du personnel pour anticiper les commandes à venir. Donald Trump a fourni à Ford une porte de sortie moins embarrassante que de lâcher simplement ses partenaires en rase campagne mexicaine. Le groupe “utilise la situation politique pour faire passer la pilule d’une décision économique qu’il pensait devoir prendre de toute façon”, assure au site économique Quartz James Rubenstein, spécialiste de l’industrie automobile à l’université Miami d’Oxford dans l’Ohio.

La décision de faire l'impasse sur la nouvelle usine au Mexique ne change rien au destin des Ford Focus. Elles seront malgré tout construites sur le sol mexicain dans l'usine Ford d'Hermosillo. Le Michigan ne récupère donc pas cette production. Un détail que Donald Trump a oublié de relever. Mais peut-être était-ce trop long de tout faire tenir en 140 caractères.