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Pour la primaire, Manuel Valls met le cap à gauche

En faisant de la culture et de l’éducation deux thèmes majeurs de sa campagne, Manuel Valls entend se replacer au cœur de la gauche et faire oublier son image de Premier ministre autoritaire obnubilé par les questions sécuritaires.

Le signal avait été donné début décembre lorsqu’il avait annoncé vouloir supprimer le 49-3. Avec la présentation de son programme présidentiel, mardi 3 janvier, Manuel Valls enfonce le clou : c’est bien un candidat de gauche, souhaitant mettre l’accent sur la culture et l’éducation, qui se présente à la primaire de la gauche, prévue les 22 et 29 janvier.

Exit, par conséquent, les propositions iconoclastes du candidat Valls de la primaire de 2011 qui souhaitait déverrouiller les 35 heures ou supprimer l’impôt sur la fortune (ISF). Fustigeant le programme très à droite de François Fillon qu’il qualifie de "vaste purge", Manuel Valls se présente aujourd’hui en défenseur de ce qui, selon lui, fait l’identité française : sa culture.

"Je veux renforcer tout ce qui rend notre nation plus puissante, plus solide, plus solidaire, tout ce qui donne le sentiment de participer à une aventure collective, a-t-il affirmé à la Maison de la Chimie. Cela passe par un engagement de tous les instants en faveur de la politique culturelle : cinéma, théâtre, musique, danse, arts plastiques, arts numériques, arts de la rue, création pour le jeune public. La culture est avant tout l’ouverture et la rencontre et c’est se confronter à l’inconnu, apprendre à se connaître, à comprendre les autres."

Manuel Valls a également vanté les mérites des artistes, ces "observateurs attentifs des errements de notre société". "La culture n’est pas un supplément d’âme. Ce n’est pas une politique que l’on finance quand toutes les autres ont été financées. Non, la culture c’est ce qui donne de la force, de l’optimisme, de la profondeur et donc de la vision à un pays", a-t-il ajouté.

Le pari de la culture

Né d’un père artiste-peintre et marié à une violoniste, le candidat socialiste ne peut être taxé d’opportunisme. C’est notamment lui, qui, en tant que Premier ministre, a fait le choix d’augmenter le budget du ministère de la Culture, allant à l’encontre des décisions prises par son prédécesseur à Matignon Jean-Marc Ayrault. De même, Manuel Valls s’est illustré dans la crise des intermittents, en 2014, en débloquant une enveloppe de 40 millions d’euros pour sauver les festivals d’été, puis en 2016 pour sauvegarder leur régime.

Mais il va de soi que le choix de mettre l’accent sur un tel sujet n’a pas été fait sans calcul. Difficile, en effet, de trouver un marqueur symbolisant mieux la gauche. Comme Manuel Valls l’a lui-même souligné, "c’est un sujet qui a été totalement absent de la primaire de la droite". Et de façon assez surprenante, peu de candidats à la primaire de la gauche l’ont évoqué.

Manuel Valls s’empare ainsi d’un sujet délaissé et qui parle depuis toujours à l’électorat des "primaires citoyennes". En annonçant de surcroît vouloir "relancer une politique de grands travaux culturels, notamment dans nos régions", il rappelle les grandes heures du binôme François Mitterrand-Jack Lang.

Autre pilier fondamental des préoccupations de l’électorat de gauche : l’éducation. L’ancien maire d’Évry promet ainsi de bâtir un service public d’accueil de la petite enfance, de revaloriser le salaire des enseignants et d’investir un milliard d’euros par an dans les universités françaises.

"Dans les cinq prochaines années, la France, après tout ce qui a été engagé depuis 2012, devra démultiplier l’effort éducatif pour se hisser parmi les premières nations éducatives du monde, ou peut-être même la première, a-t-il lancé mardi matin. Nous devons investir pour notre éducation, frapper beaucoup plus fort contre les inégalités scolaires et surtout la reproduction sociale qui mine une partie de notre société."

Valls, un candidat "totalement libéré"

Cette stratégie de la "gauchisation" fonctionnera-t-elle ? Ses concurrents à la primaire, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon en tête, ne manqueront pas de souligner les incohérences du candidat Valls. Certes, ce dernier a augmenté le budget de la culture et été très actif en faveur des intermittents, mais les Français se souviennent davantage d’un Premier ministre en pointe sur les questions sécuritaires et sur une politique économique de l’offre favorable aux chefs d’entreprise, passant en force sur la loi Macron et la Loi travail, que d’un chef de gouvernement ayant fait de la culture et de l’éducation ses sujets prioritaires.

De la capacité de Manuel Valls à faire oublier son image de politique à la droite du Parti socialiste et à convaincre de sa sincérité dépend donc sans doute, en partie, le résultat de la primaire. S’il continuera durant cette campagne "à faire du Valls" sur la sécurité et l’économie, comme l’a confié son directeur de campagne, Didier Guillaume, lui assure que cela ne l’empêche pas d’être "profondément ancré à gauche".

"Ce que je dis sur la laïcité, sur la manière dont nous devons vivre ensemble, sur l’égalité entre les femmes et les hommes, sur la culture, je le dis depuis des années, s’est-il ainsi défendu. Dans les fonctions qui ont été les miennes par le passé, forcément qu’on appuie sur tel ou tel sujet mais là je suis, d’une certaine manière, totalement libéré. […] Quand on fait de l’éducation la priorité, c’est qu’on est profondément à gauche. Quand on fait de la culture une priorité, c’est qu’on est profondément à gauche. Quand on soutient les entreprises, la compétitivité pour qu’elles retrouvent leur marge de manœuvre pour qu’elles recréent de l’emploi, on est profondément à gauche."