En République démocratique du Congo, trois jours après la signature d’un accord historique entre l’opposition et le pouvoir obtenu à l’arraché, les premières interrogations sur sa mise en œuvre se posent.
En République démocratique du Congo, l’accord conclu le 31 décembre au soir, après des semaines d’âpres négociations entre l’opposition et la majorité, prévoit une cogestion du pays entre les deux parties jusqu'à l'élection d'un successeur au président Kabila en 2017. Cependant, il n’a pas permis de régler toutes les divergences qui opposent les deux camps.
Plusieurs points nécessitent la poursuite des discussions, toujours sous l'égide vigilante de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui a repris la main, début décembre, sur la médiation après l’échec d’un premier volet de négociations en octobre.
Élection en 2017, la primature à l’opposition
L’accord prévoit que Joseph Kabila conserve son statut de chef de l’État jusqu’à la fin de l’année 2017, date à laquelle une nouvelle élection présidentielle doit se tenir. Ce point était le plus litigieux en raison du refus de l'actuel chef d'État, élu en 2006, puis réélu en 2011 lors d’un scrutin contesté, de quitter le pouvoir, alors que la Constitution lui interdit de se présenter une troisième fois. Son second mandat s’achevait le 20 décembre 2016 et l'élection initialement prévue cette année-là n'a pas été organisée. Le texte signé le 31 décembre spécifie que, pendant la période de transition, Joseph Kabila s’engage à ne pas modifier la Constitution ni à organiser de référendum sur la question.
Pouvoir et opposition se sont entendus pour que le poste de Premier ministre soit confié à la coalition de l’opposition, "Le Rassemblement", dirigée par l’opposant historique, Étienne Thsisekedi. L’accord stipule également qu’un Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral (CNSA) sera constitué, ainsi qu’une commission de hauts magistrats chargée d’examiner les "cas de décrispation politique", notamment celui de l’opposant en exil Moise Katumbi.
Dans un communiqué relayé sur son compte Twitter, ce dernier salue "cet accord important qui permet au vaillant peuple congolais d’entrevoir l’année 2017 en paix et avec espoir", affirmant avoir "une pleine confiance" en la gestion de son dossier par la Cenco. "Je continuerai à œuvrer pour l’émergence d’un État de droit et l’avènement d’une RD Congo prospère pour tous et plus juste au cœur du continent africain. C’est pour cela que je serai candidat à l’élection présidentielle en 2017", annonce-t-il enfin.
Un manque d’inclusion dénoncé par la majorité
Malgré une entente sur ces grandes dispositions, il reste encore beaucoup de points, et non des moindres, à régler. Profil du Premier ministre, taille et date d’entrée en fonction du gouvernement, mode de désignation et composition du comité de suivi, mise en place d’un calendrier précis des élections… autant d’obstacles à surmonter. "De nombreux observateurs doutent également que le pays soit en mesure d’organiser trois élections en 2017 et estiment qu’il serait plus réaliste de mettre l’accent sur les élections présidentielles et législatives avant d’organiser des élections provinciales", juge par ailleurs l’organisation Human Right Watch, dans un rapport publié le lundi 2 janvier.
Autre inquiétude, la majorité estime que le compromis "pêche" car elle n'est pas suffisamment prise en compte. Tous les participants aux négociations ne l'ont pas signé, notamment le Front pour le respect de la Constitution, une frange de l’opposition. "Nous avons besoin de l’implication de tout le monde pour être sûrs que nous ne ferons plus l’objet d’interprétations complétement diverses sur lesquelles nous nous sommes entendus", a expliqué Lambert Mendé, ministre de la Communication, au micro de la correspondante de RFI en RD Congo, Sonia Rolley.
Mais pour la Cenco, cet argument ne tient pas. "On ne peut pas parler de manque d’inclusion dans cet accord, estime son secrétaire général, l’Abbé Nsholé, sur RFI. Le Front n’a pas signé physiquement, mais le texte est le fruit du travail du Front, il y a des amendements du Front dedans". "Chacun dans les deux camps a compris qu'il fallait absolument signer cet accord pour éviter le chaos. Ils ont aussi compris que celui qui prendrait l'initiative de saboter sa mise en œuvre portera l'entière responsabilité des conséquences de ce chaos", soutient à l’AFP le professeur Jean-Pierre Mbwebwa, politologue de l'université de Kinshasa. Les prochains jours s'annoncent donc décisifs pour l'avenir de cet accord, et du pays.