
Avec l’abstention des États-Unis, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté vendredi une résolution contre la colonisation par Israël de la Cisjordanie. Une décision inédite depuis 1979 qui scelle le divorce entre Obama et Netanyahou.
"Pour Obama et Netanyahou, le clash final après des années de conflit". Le titre du New York Times daté du 23 décembre résume comment, après des années de frustration à l'égard du Premier ministre israélien, le président des États-Unis a finalement décidé de le lâcher. Le poids politique et diplomatique de cet ultime coup d’éclat de Barack Obama, à un mois de son départ de la Maison Blanche, est considérable. Pour la première fois depuis 1979, les États-Unis n'ont pas opposé leur veto vendredi à une résolution du Conseil de sécurité, concernant la colonisation israélienne. L’abstention de Washington, conjuguée au vote favorable des autres membres du Conseil de sécurité, a permis l'adoption du texte défavorable à l’allié historique des États-Unis au Moyen-Orient qui risque des sanctions s’il continue.
Comment la Maison Blanche en est arrivé à ce clash diplomatique ? L'hypothèse d'une résolution sur la colonisation circule depuis des mois à l'ONU. Et l’administration Obama savait qu'elle aurait à prendre une décision si un tel texte était déposé. Selon la Maison Blanche, ce n'est que quelques heures avant le vote que Barack Obama a décidé de permettre l'adoption d'une résolution de l'ONU condamnant la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens.
"Netanyahou avait la possibilité de conduire des politiques qui auraient engendré un autre résultat"
Depuis des mois, Washington envoyait des signaux de plus en plus insistants sur le fait que l'accélération de la colonisation ruinait les espoirs d'un accord de paix sur la base d'une solution à deux États : Israël et un État palestinien. Vendredi, la Maison Blanche estimait avoir épuisé toutes les autres options pour convaincre Israël que sa politique de constructions dans les Territoires palestiniens et à Jérusalem-Est sabotait les espoirs de paix.
Ben Rhodes, un proche conseiller de Barack Obama, fait d’ailleurs carrément porter la responsabilité de la décision américaine à Benjamin Netanyahou lui-même : "Le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait la possibilité de conduire des politiques qui auraient engendré un autre résultat", a-t-il fait valoir. "Le fait que cela arrive à la fin de nos huit ans de mandat montre que ce n'était pas l'évolution que nous préférions", a-t-il poursuivi. "Si c'était ce résultat que nous cherchions, nous l'aurions obtenu depuis longtemps".
En cas de victoire d'Hillary Clinton à la présidentielle du 8 novembre, Barack Obama aurait peut-être pris une décision différente à l'ONU et lui aurait laissé la possibilité de reconstruire des liens plus chaleureux avec Israël, suggère Jonathan Shanzer. Mais les positions de Donald Trump, favorables à la colonisation ont poussé Barack Obama à laisser voter une résolution du Conseil de sécurité qui risque d'affaiblir la position d'Israël dans de futures négociations. "On ne peut plus faire marche arrière", relève Jonathan Schanzer puisqu'une résolution du Conseil de sécurité ne peut pas être annulée. Le président élu Donald Trump a néanmoins immédiatement tenu à rassurer les Israéliens après le vote de la résolution : "Concernant l'ONU, les choses seront différentes après le 20 janvier", date de sa prise de fonctions, a-t-il twitté.
L'accord sur le nucléaire iranien comme pomme de discorde
Si l’administration Obama n'a jamais caché son irritation face à la rhétorique sécuritaire employée par la coalition de droite au pouvoir en Israël, la décision de Barack Obama s'explique aussi, pour beaucoup d'experts, par son inimitié personnelle envers Benjamin Netanyahou. Samedi, le Boston Herald jugeait d’ailleurs dans son éditorial que la décision d’Obama était "pensée pour blesser Netanyahou de façon très personnelle."
Netanyahou veut revoir les relations entre Israël et l'Onu
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a indiqué samedi 24 décembre qu'il allait revoir les relations entre Israël et les Nations unies au lendemain de l'adoption par le Conseil de sécurité de l'Onu de la résolution demandant l'arrêt de la colonisation des territoires palestiniens de Cisjordanie.
"J'ai demandé au ministère des Affaires étrangères de procéder dans le délai d'un mois à une réévaluations de tous nos contacts avec les Nations unies, y compris la contribution financière israélienne aux Nations unies ainsi que la présence de représentants de l'Onu en Israël", a indiqué Benjamin Netanyahou.
Comme le rappelle le New York Times, l’accord sur le nucléaire iranien initié à l’insu d’Israël par Obama et que Netanyahou a par la suite tenté de saboter a profondément divisé les deux hommes. Leur relation est "empreinte de méfiance", explique Jonathan Schanzer, vice-président de la Fondation pour la défense des démocraties, un centre de réflexion de Washington. En septembre, lors du dernier tête-à-tête des deux hommes à New York, le ton cordial de la rencontre n’avait trompé personne et les félicitations adressées par Netanyahou à Obama sur "son formidable niveau de golf" étaient même passées aux yeux de certains pour une critique ironique du président américain.
Le 20 janvier 2017, le 44e président des États-Unis quittera la Maison Blanche après deux mandats, un prix Nobel de la paix obtenu à peine élu (en octobre 2009) et un bilan sombre sur la question israélo-palestinienne : la dernière initiative américaine, portée à bout de bras par le secrétaire d'État John Kerry a capoté en avril 2014. En janvier 2009, le tout jeune président Obama promettait pourtant d'œuvrer "activement, avec pugnacité", à "une paix durable entre Israël et les Palestiniens".
Avec AFP et Reuters