La France et l'ONU s'inquiètent de la situation tendue en RD Congo. Alors que son mandat expirait lundi soir, le président Joseph Kabila entend rester. Il a nommé un nouveau gouvernement, qui appelle aujourd'hui au calme.
Son mandat avait beau expirer à minuit lundi 19 décembre, le président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila a annoncé lundi soir la formation d'un nouveau gouvernement, sans attendre les résultats de la médiation de l'Église catholique.
Samy Badibanga, le nouveau Premier ministre, s'est exprimé peu avant sa prise de fonctions mardi : "Je voudrais lancer un appel au calme, à la paix, la tranquillité sur toute l'étendue de la République", a-t-il déclaré à la presse, exhortant les forces de l'ordre "à faire preuve de discipline et de retenue dans l'exécution de leur mission".
#RDC Le premier ministre @SamyBadibanga a remercié Kabila et lancé un appel à la paix.
— Thomas Nicolon (@ThomasNicolon) 20 décembre 2016Depuis dimanche, les principales villes de RD Congo sont quadrillées par les forces de l'ordre afin de dissuader l’opposition de manifester pour réclamer de nouvelles élections. Des affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes congolaises, dont Kinshasa et Lubumbashi.
Ciblant les jeunes, nombreux à prendre part aux manifestations hostiles au pouvoir, Samy Badibanga a notamment promis "d'améliorer [leur] bien-être" et de de travailler "pour relever les défis pendant cette période qui devra aboutir à des élections".
Après l'intervention du Premier ministre, l'ambiance se serait légèrement décrispée dans la capitale Kinshasa. Thomas Nicolon, correspondant de France 24 en RD Congo, rapporte que la police improvisait des parties de football dans les rues vides de la capitale.
#RDC #Kinshasa L'atmosphère se détend légèrement, les policiers improvisent un petit match de foot sur le blvd Lumumba, Station Cohydro.
— Thomas Nicolon (@ThomasNicolon) 20 décembre 2016L’élection présidentielle qui devait avoir lieu cette année a été reportée sine die. Âgé de 45 ans, Joseph Kabila entend se maintenir en fonction jusqu’à l'élection d'un successeur en vertu d'un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en mai.
L'opposant historique Etienne Tshisekedi, récemment revenu d’exil, ne l'entend pas de cette oreille et a appelé à la "résistance pacifique" contre le président, en demandant au peuple de "ne pas reconnaître l'autorité illégale et illégitime" de celui qui "a perdu sa légitimité et sa légalité à la tête du pays".
L'ONU s'inquiète
La mission de l'ONU en RD Congo (Monusco) a fait part mardi de "sa profonde inquiétude" face à ce qu'elle a présenté comme une "vague d'arrestations et de détentions au cours des trois derniers jours dans toute l'étendue" du pays. Depuis le 16 décembre, l'ONU "a recensé 113 arrestations dans le pays, dont des dirigeants et des sympathisants de l'opposition, des activistes de la société civile et des défenseurs des droits de l'Homme, des professionnels des médias".
Selon le communiqué de la Monusco, "la plupart" des arrestations recensées par l'ONU ont été effectuées par la police nationale congolaise (PNC), l'Agence nationale de renseignement (ANR) et la Garde républicaine, et ont eu lieu à Goma (est), Kinshasa et Bukavu (est)".
La mission onusienne, présente dans le pays depuis 1999, "souligne la nécessité pour tous les Congolais, et en particulier les responsables des institutions judiciaires et des agences de l'État en charge de la sécurité, de respecter les lois de la République et d'assurer la promotion et la protection des droits de l'Homme (...) pour créer un environnement propice à la tenue prochaine d'un dialogue constructif".
La France appelle l'UE à redéfinir sa politique étrangère vis-à-vis de la RDC
En France, le ministère des Affaires étrangères estime que la crise politique est telle qu'il entend réexaminer ses relations avec la RD Congo et invite l'Union européenne à faire de même : "La gravité de la situation justifie que l'Union européenne réexamine ses relations avec la République démocratique du Congo", a déclaré un porte-parole du ministère. L'UE avait décidé la semaine dernière de sanctionner sept responsables sécuritaires congolais, mis en cause pour la répression de manifestations d'opposants à Kinshasa en septembre dernier, qui avaient fait 50 mort.
Face aux violences, "la France appelle les autorités et les forces de sécurité congolaises à agir dans le respect des droits de l'Homme", a également déclaré un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, soulignant que "la responsabilité individuelle des auteurs de crimes et d'autres violations des droits de l'Homme est engagée".
Le maintien au pouvoir du président congolais suscite aussi des critiques en Belgique, l'ancienne puissance coloniale, qui a également annoncé qu'elle allait "réexaminer" ses relations avec la RDC.
Dans le même temps, Paris a réitéré son soutien à la mission de l'Église politique pour trouver une solution pacifique de sortie de crise. Les évêques avaient suspendu leur médiation samedi soir afin de se rendre à Rome pour une visite au pape François prévue de longue date. Les négociations doivent reprendre à leur retour mercredi 21 décembre.
Avec AFP