Quatre ans après son coup d’État au Mali, Amadou Sanogo comparaîtra mercredi pour l'enlèvement et l'assassinat de militaires en 2012. Un procès crucial pour les parties civiles. Le prévenu s'est dit prêt à "dire sa part sa vérité".
Plus de quatre ans après son coup d’État au Mali, le chef de l'ex-junte Amadou Sanogo doit être jugé, à partir du mercredi 30 novembre, à Sikasso, pour "assassinat et complicité" d'assassinat de 21 militaires. Un procès "qui représente un pas important dans la lutte contre l’impunité des crimes graves commis depuis 2012 dans le nord et le sud du pays et pour le reste de l’Afrique", se félicite, dans un communiqué, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), qui s’est constituée partie civile dans l’affaire.
De son côté, les avocats du prévenu, qui comparaîtra avec 17 co-accusés, ont indiqué que leur client était prêt à affronter ses juges. "Il veut dire sa part sa vérité", a affirmé à l'AFP Me Ismael Touré à Sélingué, une localité à 120 km au sud de la capitale Bamako où est détenu le chef de l'ex-junte malienne (voir encadré ci-dessous). "Face aux multiples violations de la loi pour convoquer mercredi le général Sanogo, la défense plaidera dans un premier temps pour le report du procès", a-t-il toutefois indiqué, sans plus de détail.
"Faire remarquer devant la cour mercredi à Sikasso qu'il faut un report est une stratégie", a pour sa part indiqué Me Cheick Oumar Konaré, un autre avocat, sans davantage de précision. Avant d’ajouter : "Nous sommes prêts pour défendre notre client et il est prêt".
Amadou Sanogo doit être jugé en assises pour l’enlèvement et l’assassinat de 21 militaires dont les corps avaient été retrouvés dans un charnier en 2013. Il encourt la peine de mort. Parmi les autres accusés de cette affaire dite des "Bérets rouges disparus" figurent les généraux Yamoussa Camara, ancien ministre de la Défense, et Dahirou Dembélé, ex-chef d'état-major des armées.
Charnier
Opposés au putsch de mars 2012 conduit par Amadou Sanogo, alors obscur capitaine de l'armée, qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, les "Bérets rouges" avaient vainement tenté un contre-coup d'État un mois plus tard avant d'être pourchassés par les putschistes. Les corps d'une vingtaine de militaires appartenant à cette unité parachutiste avaient été retrouvés en décembre 2013 dans un charnier à Diago, près de Kati, qui fut le quartier général de Sanogo et de ses hommes.
Dans les mois qui ont suivi le coup d'État, Amadou Sanogo et ses hommes ont été accusés de nombreuses violences à l'encontre de "Bérets rouges" ainsi que d'hommes politiques, de journalistes et de membres de la société civile. Promu général, l'officier est ensuite tombé en disgrâce au terme d'une transition qui s'est achevée en août 2013 par l'élection du président Ibrahim Boubacar Keïta.
Le putsch de mars 2012 avait précipité la déroute de l'armée face à la rébellion touareg et aux groupes jihadistes dans le nord du Mali. Cette partie du pays était alors tombée sous la coupe de groupes liés à Al-Qaïda, d'abord alliés de la rébellion, qu'ils avaient ensuite évincée.
"La réconciliation passe par la justice"
Pour nombre de Maliens, ce procès constitue une étape importante sur la voie de la paix. "Il faut juger Sanogo parce que la réconciliation passe par la justice. Sans justice on ne peut pas parler de réconciliation", se félicite un enseignant de Sélingué, interrogé par l’AFP.
"Un tel procès est l’occasion de faire transparaître la vérité sur un épisode difficile de l’histoire récente du Mali au cours duquel, alors que le pays était attaqué au Nord, un quarteron d’officiers n’a pas hésité à faire exécuter froidement 21 militaires pour conserver le pouvoir acquis quelques jours plus tôt par un coup d’État militaire. Le Mali s’honore à rendre justice et donner aux accusés un droit que ces derniers ont nié à leurs victimes", estime Me Clémence Bectarte, avocate des victimes pour la FIDH.
D’autres s’insurgent toutefois contre le "deux poids, deux mesures". "Les rebelles qui ont commis des crimes au Nord n'ont pas été jugés. Pourquoi juger alors Sanogo ?", déplore un étudiant à l’AFP.
Les jihadistes ont été dispersés du nord du Mali et en grande partie chassés à la suite du lancement en janvier 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, malgré la signature en mai-juin 2015 d'un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes.
Avec AFP