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Premiers jours sans Fidel à La Havane

à La Havane – Drapeaux en berne, silence et affiches du Lider Maximo sur les murs de La Havane viennent rappeler que neuf jours de deuil ont été décrétés pour la mort de Fidel Castro.

Dans les rues de la vieille ville de La Havane, presque rien, samedi 26 novembre, n'évoque un Cuba endeuillé, si ce n'est que la musique habituellement omniprésente n’est, ce soir-là, pas au rendez-vous. La veille, dans une discothèque, un responsable était venu annoncer : "la fête est finie, notre Commandant en chef est mort". Par ordre des autorités, danse et musique doivent cesser durant les neuf jours de deuil décrétés.

Le bar de l'Hôtel Florida, où Cubains et touristes viennent danser tous les week-ends sur des airs de salsa, ce samedi, est vide, et l'entrée silencieuse. Dans les rues avoisinantes pourtant, tous vaquent à leurs occupations. Sur la promenade du Prado, des jeunes couples écoutent de la musique sur une radio en buvant de la bière. Dans les rues, des hommes jouent aux échecs, d'autres aux dominos.

"C’est un jour de tristesse"

Dimanche matin, l’ambiance est encore plus calme. "Aujourd'hui, ça se passe dans les familles. Je suis triste, c'est un jour de tristesse", explique un quadragénaire. Pourquoi ? "Parce que si j'ai besoin d'éducation, si j'ai besoin de soins médicaux, je peux les avoir gratuitement, et c'est Fidel qui a fait ça."

Sur plusieurs bâtiments officiels, le drapeau cubain a fait son apparition. Un portrait géant de Fidel Castro a été suspendu sur le mur du siège des Jeunesses communistes, à côté du musée de la Révolution. Non loin du mémorial du bateau Granma [yacht acheté en 1956 par les rebelles au régime de Batista, dont Fidel Castro, son frère Raul, Camilo Cienfuegos et Ernesto "Che" Guevara ; emblème de la révolution castriste, dont l'organe de presse national a tiré son nom], un homme s'affaire, seul, aux dernières finitions du revêtement bitumineux d'une rue dont la réfection a été entamée en 2015.

Devant l'université de La Havane, une vingtaine de jeunes manifestent leur attachement à la Révolution. Ils posent pour quelques photographes en brandissant le poing et en levant des drapeaux cubains. Ils ont inscrit le nom de "Fidel" sur leurs avant-bras et proclament : "Nous sommes favorables à la Révolution, à Fidel, et nous soutenons l'action de Raul Castro".

Sur l'immense Plaza de la Revolucion qui s’apprête à accueillir les Cubains pour une cérémonie de recueillement, les drapeaux sont en berne. Des équipements lourds de sono et quelques échafaudages côtoient les autobus touristiques et les vieilles voitures américaines qui font faire un tour de la ville aux visiteurs étrangers.

"La Révolution est bien morte, n'est-ce pas ?"

Plaza de Armas, des hommes, des femmes et des enfants sont tranquillement assis sur les bancs dans la douceur de l'air matinal. Alejandro, la trentaine, cheveux et barbe taillés à la mode des rappeurs, donne le biberon à son jeune fils de 7 mois. Que pense-t-il de ce jour historique ? "C'est un changement. Il y a en eu d'autres et il y en aura d'autres", dit-il en haussant légèrement les épaules. Il ajoute : "Pour les Russes, le changement a été brutal. Ici, le changement est plus doux. C'est mieux."

Sur le pourtour de la place, les vendeurs de livres et d'affiches arborant les traditionnels slogans communistes sont installés comme à leur habitude. Sur l’un des étals, l’édition de samedi du journal Granma annonçant la mort de Fidel Castro est vendu aux touristes pour la somme de 10 cuc (1 cuc vaut approximativement 1 euro), le peso convertible [une des deux monnaies officielles de l'île, depuis que le dollar a été officiellement interdit à Cuba, l'autre étant le peso cubain], soit plus de 25 fois son prix en monnaie locale. Les acheteurs potentiels râlent. "Pas de problème, je suis tranquille, demain il y a un bateau qui arrive avec des Américains, leur rétorque le vendeur. Les gringos avec leurs dollars payeront ce prix sans problème". "Alors, les gringos et les dollars arrivent et tout est dit ? La Révolution est bien morte, n'est-ce pas ?", lance une touriste. Ils hochent la tête, sans répondre, avec un léger sourire.