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Présidentielle américaine : vers un nouveau décompte des voix dans trois États clés

Des pirates informatiques ont-ils aidé à faire élire Donald Trump ? C'est la question posée en creux par des experts en sécurité informatique qui appellent à un nouveau décompte des voix de l'élection américaine.

Nouveau rebondissement dans le feuilleton de l'élection présidentielle américaine. Jill Stein, candidate du parti vert à la présidentielle américaine, remportée par Donald Trump, a collecté plus de 3,3 millions de dollars en moins de 24 heures. Sa cause a le vent en poupe : faire recompter les votes électroniques dans trois États clefs - le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie - où le candidat républicain est arrivé en tête de justesse. Elle veut savoir si des pirates informatiques n'ont pas faussé les résultats.

Au total, Jill Stein doit lever 4,5 millions de dollars pour mettre des auditeurs des machines à voter électronique au travail. Les sommes réunies permettent d'ores et déjà d’entamer le nouveau décompte dans le Wisconsin, où la date limite pour déposer une demande en ce sens est vendredi 25 novembre. Pour les autres États, la candidate dispose encore de quelques jours (lundi 28 novembre en Pennsylvanie et mercredi 30 novembre pour le Michigan), afin de finaliser sa levée de fonds. L'enjeu est de taille : si dans les trois États, Hillary Clinton avait en réalité devancé son concurrent, elle aurait gagné l'élection.

Lettre ouverte au Congrès

Jill Stein ne s’est pas décidée sur un coup de tête. L’hypothèse d’un possible piratage des élections en faveur de Donald Trump est prise au sérieux dans les cercles d’experts américains en sécurité informatique.

La première mise en garde a été lancée le 22 novembre par un groupe de chercheurs affiliés à l’Université du Michigan, dont J. Alex Halderman, considéré comme le plus important spécialiste américain des questions de sécurité du vote électronique. Il avait déjà fait la démonstration en 2006 de la facilité avec laquelle les machines à voter pouvaient être piratées aux États-Unis.

Démonstration de la facilité de pirater une machine à voter

Dans un article posté sur la plateforme de blog Medium, il souligne que dans plusieurs comtés du Wisconsin, qui utilisent notamment le vote électronique, les écarts de voix entre Donald Trump et Hillary Clinton étaient anormalement élevés par rapport aux sondages. Dans les trois États concernés, le milliardaire et candidat républicain n’a eu qu’un avantage minime sur son adversaire, ce qui en fait des cibles idéales pour d’éventuels pirates informatiques, d’après ce groupe d’experts.

D’autres spécialistes se sont ensuite joints à cette requête pour recompter les voix. Une lettre ouverte d’universitaires demandant une enquête du Congrès a recueilli 126 signatures.

La théorie est tentante dans le climat électoral tendu aux États-Unis, marqué par des accusations de cyberattaques orchestrées par la Russie pour peser sur le résultat des élections. Alex Halderman rappelle, à ce sujet, que de fortes présomptions de tentatives de piratage sur ordre du Kremlin ont déjà pesé sur les élections ukrainiennes de 2014.

Absence de preuve

Tous ces spécialistes reconnaissent n’avoir aucune preuve concrète pour étayer leurs soupçons. Mais “ne pas prendre en compte ce risque” et ne pas ouvrir d’enquête laisserait croire aux hackers qu’ils ont carte blanche, expliquent les signataires de la lettre ouverte.

Le nouveau décompte est, en outre, simple à réaliser. Dans grands nombres de comtés, la machine fait une capture de l’écran du vote, qui est imprimée et ne peut ainsi pas être piratée. “Le problème est qu’aucun État ne prévoit de vérifier ces copies de manière sérieuse, sauf si un candidat en fait la demande”, regrette Alex Halderman. En clair, pour lui, même si aucun piratage n’a eu lieu, un second décompte des votes électroniques serait “démocratiquement sain”, surtout lorsque les résultats sont très serrés.

Il affirme avoir pris langue avec l'équipe de campagne d’Hillary Clinton pour qu’elle fasse le nécessaire dans les trois États concernés. Elle n’a pas donné suite. La candidate démocrate est peut-être en phase avec le célèbre gourou américain des sondages, Nate Silver.

Cet expert de l’analyse statistique juge que les résultats dans ces bureaux de vote, aussi serrés soient-ils, n’ont rien de surprenants. La différence avec les sondages pré-électoraux peut s’expliquer en appliquant certains modificateurs (race des votants, niveau d’éducation et densité de population). Il met en garde contre la tentation d’exiger un décompte sans avancer de preuves concrètes : “À une époque où la confiance dans le vote est déjà ébranlée, la charge de la preuve devrait incomber à ceux qui demandent de recompter les voix car sinon cela revient à jeter un doute supplémentaire sur le système électoral”.