
Les migrants continuent de prendre la mer en nombre depuis la Libye, mais la flottille humanitaire qui vient à leur secours n'est pas équipée pour l'hiver et, sans aide, elle redoute de nouveaux drames.
Canots pneumatiques surchargés, dégonflés ou renversés : ces derniers jours, les drames se succèdent en Méditerranée, ayant provoqué la mort de 16 personnes et fait près de 340 disparus. Le record de plus de 27 300 migrants enregistrés sur les côtes italiennes en octobre confirme que cette année les dangers de la mer ne dissuadent ni les réfugiés, ni les passeurs.
Les ONG en première ligne
"Les sauvetages incessants et les nombreuses victimes de ces derniers jours illustrent à quel point la situation est critique en Méditerranée, c'est une réelle catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux", souligne Sophie Beau, responsable de l’ONG SOS Méditerranée. D’autant que la majeure partie des navires humanitaires privés, qui ont joué un rôle essentiel dans les secours cette année, seront rentrés au port à la fin du mois de novembre, pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des travaux de maintenance essentiels, en vue des opérations probables de l’année prochaine.
Cette année, c’est une dizaine de navires affrétés par les associations, tel que MSF ou Save The Children, qui ont patrouillé au large de la Libye, assurant le repérage de nombreuses embarcations, la distribution de gilets de sauvetage et des soins d’urgence. "Cela a été une très longue année pour les équipages et les bateaux", résume Pete Sweetnam, directeur du Moas, l’ONG maltaise qui avait été en 2014, la première à affréter un navire de secours privé au large de la Libye.
Un vide laissé par l’Union européenne
"Le fond de l’affaire, c’est que cela ne devrait pas être à nous de faire ce travail. L’Union européenne doit prendre ses responsabilités", lance Ruben Neugebauer, porte-parole de l’association allemande Sea-Watch. Même son de cloche du côté de MSF Italie. Son directeur, Loris De Filippi, appelle à une réflexion des pays européens : "les opérations de secours ne peuvent pas être laissées aux ONG."
Le dispositif européen actuel qui comprend des garde-côtes italiens et l’opération anti-passeurs Sophia, l’agence européenne de contrôle des frontières Frontex, est concentré sur des opérations de contrôle plutôt que de secours, explique Eugenio Cusumano, chercheur en sciences politiques à l’université de Leiden (Pays-Bas). Le retrait des navires humanitaires oblige les garde-côtes italiens à faire de plus en plus souvent appel à des cargos ou des pétroliers qui ne sont pas équipés pour secourir les embarcations de fortune surchargées.
Pour éviter de nouvelles catastrophes, l’UE devarit former des garde-côtes libyens. "La majeure partie des personnes mortes cette année sont décédées dans les eaux libyennes, où nous ne pouvons pas intervenir. Des garde-côtes libyens entraînés auraient pu empêcher de nombreuses morts", a déclaré à Rome l’amiral italien Enrico Credendino, qui commande l’opération Sophia.
Avec AFP