
Le rôle supposé des réseaux sociaux et de Facebook dans la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine est de plus en plus mis en avant. Un coupable trop parfait.
La chasse au bouc émissaire a débuté. Au lendemain de l’annonce de la victoire de Donald Trump, un coupable idéal commence à se dessiner aux yeux de ceux qui auraient préféré une autre issue au scrutin présidentiel américain. Facebook - et dans une moindre mesure Twitter et Reddit - sont pointés du doigt.
“Donald Trump a gagné à cause de Facebook”, titre le New York Mag. “La liste des responsabilités [dans la victoire de Donald Trump] est longue, mais Facebook est tout en haut”, assure le site du laboratoire de recherche journalistique de l’université d’Harvard Nieman Lab. Pour Mashable, “Facebook devrait avoir honte de ce que leur plateforme est devenue” durant cette année électorale.
Facebook, arme électorale des pro-Trump
Le réseau social, source principale d’informations pour plus de 60 % des Américains, maintiendrait ses utilisateurs dans une bulle et servirait de caisse de résonnance. Les utilisateurs trouvent dans leur fil d’actualité des liens vers des articles partagés par leur cercle de connaissances, donc souvent aux vues politiques similaires, qui, généralement, renforcent leurs opinions au lieu de leur proposer des points de vue alternatifs.
"N'oublions pas non plus que Donald Trump a eu un règne sans partage sur Twitter"
La situation est encore plus accentuée sur le très populaire site de partage et de commentaire de liens Reddit, utilisé par 70 % de ses utilisateurs comme source principale d’information. La section de ce portail consacrée à Donald Trump (r/The_donald) est un nid à fans du nouveau président où les opinions contraires sont violemment condamnées.
Mais Reddit n’a pas l’audience de Facebook, consulté quotidiennement par près de deux milliards d’internautes. D’où le coup de projecteur sur le roi incontesté des réseaux sociaux. De plus, ce dernier souffre d’un autre défaut politiquement important aux yeux de ses détracteurs du moment : il refuse d’endosser le rôle de groupe de média et laisse un algorithme (après avoir licencié une équipe d’éditeurs humains) choisir les articles à afficher pour les utilisateurs. La conséquence a été une explosion d’histoires inventées de toutes pièces ou aux titres racoleurs qui déforment la réalité. Le site Buzzfeed, qui a longtemps enquêté sur ce phénomène, conclut que l’intelligence artificielle (IA) identifie parfaitement ce qui va être populaire mais peine à faire la différence entre le vrai et le faux.
Dans le contexte de l’élection présidentielle américaine, les limites de l’IA ont été “utilisées comme arme électorale par les soutiens de Donald Trump”, martèle le très influent site technologique TechCrunch. “Hillary Clinton appelle à la guerre civile si Trump remporte la victoire” ou encore “Le pape François soutient Donald Trump” sont deux exemples d’articles totalement faux qui, quelques jours avant le vote, étaient parmi les plus populaires sur Facebook.
La faute aux étudiants macédoniens ?
Buzzfeed assure que la cause de cette dangereuse “prolifération de désinformation” est à chercher à 6 000 km des États-Unis dans la petite ville de Vélès, en Macédoine. C’est là que le site est allé à la rencontre de ces “adolescents qui se font de l’argent en créant des faux sites d’informations qui trompent les électeurs américains”. Environ 140 sites, tels que USADailyPolitics, Trumpvision365 ou encore WorldPoliticus, ont été créés depuis le début de l’année dans le seul but de “publier des articles pro-Trump, généralement faux, destiné à être partagé par les supporters du milliardaire/candidat sur Facebook. L’histoire sur le soutien du Pape à Donald Trump a ainsi été partagé plus de 800 000 fois. Une viralité qui se traduit par des revenus publicitaires pour le créateur du site : “L'un de mes amis a réussi à se faire 5 000 dollars par mois grâce à ça”, a assuré un étudiant macédonien à Buzzfeed.
Une explication de la victoire de Donald Trump qui a de quoi séduire les déçus du résultat de l’élection américaine. Les responsabilités se divisent entre une multinationale, un algorithme et des jeunes étrangers qui ont agi par pur appât du gain. Au final, le peuple américain y apparaît comme une victime. Une thèse séduisante qui permet surtout de ne pas prendre en compte une réalité beaucoup plus dérangeante pour les opposants à Donald Trump : la mobilisation du camp démocrate a été beaucoup moins forte qu’en 2012 lors de la réélection de Barack Obama. Un élément d'autant plus regrettable que Donald Trump a obtenu moins de voix que Mitt Romney, l’adversaire malheureux du président Obama il y a cinq ans.