Les deux candidats à la présidence des États-Unis, Hillary Clinton et Donald Trump, ont une vision des “United states of Technology” très différente, qu’il s’agisse de la protection de la vie privée ou au soutien à la Silicon Valley.
C’est un paradoxe de la campagne électorale américaine. Alors qu'Internet était omniprésent, à travers le piratage des serveurs de la convention démocrate et la publication par WikiLeaks des emails du chef de campagne d’Hillary Clinton, les positions des deux candidats sur les sujets tech sont encore largement méconnues.
En ce jour de scrutin présidentiel, France 24 propose – programme officiel et déclarations des candidats à l’appui – de se projeter dans les “United States of Technology”, que façonneraient les deux prétendants à la Maison Blanche s’ils étaient élus.
Donald Trump, un président pas si 2.0
Une fois le seuil de la Maison Blanche franchi, l’homme d’affaires a une priorité en tête : régler le compte à deux barons de l’univers tech américain. Tout d'abord, le dossier Tim Cook. Donald Trump cherche à obliger le patron d’Apple à rapatrier la production de ses produits sur le sol américain. “Je vais forcer Apple à arrêter de fabriquer ses iPhone et ordinateurs en Chine”, avait-il déclaré en avril 2016. Personne ne sait encore comment il va s'y prendre.
Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, est également dans son collimateur. Le roi de la vente en ligne a un défaut majeur aux yeux de Donald Trump : il est aussi le propriétaire du Washington Post, qui a pris fait et cause pour Hillary Clinton. Jeff Bezos “l’a acquis pour gagner en influence politique”, a estimé le milliardaire. Il juge aussi que ce rachat était motivé par des considérations fiscales pour permettre à Amazon “d’échapper à des taxes”. Une fois à la Maison Blanche, Donald Trump fait ouvrir une enquête sur Amazon à ce sujet. Mais Jeff Bezos n’est pas pris en traître, puisque Donald Trump avait martelé : Amazon "aura des problèmes, oh tellement de problèmes quand je serai président !”.
C’est, en fait, toute la Silicon Valley qui craint la présidence Trump. L’homme d’affaires ne vise pas directement le secteur technologique mais l’une de ses priorités – lutter contre l’immigration – ne fait pas les affaires de l’écosystème tech. La quasi-totalité des dirigeants de start-up ou de groupes tech militent pour faciliter l’entrée sur le territoire des immigrés, afin d’assouvir leurs besoins en main d’œuvre. Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, a même lancé en 2014 une plateforme de lobbying, baptisée Fwd.us (Forward USA, pour "En avant, les États-Unis") qui soutient une réforme simplifiant les formalités administratives à accomplir par les immigrés.
Donald Trump se montre beaucoup plus compréhensif avec les grands opérateurs telecom, comme Verizon ou AT&T. Il fait sien leur combat contre le principe de neutralité du Net, qui interdit toute discrimination à l’accès à l’Internet. Il estime que ce principe est une “attaque du président Barack Obama” contre un Internet libre. En l'occurrence, la liberté est surtout celle des grands groupes de contourner la neutralité du Net (payer plus pour avoir un meilleur débit ou un accès à certains services).
Donald Trump s'attelle aussi à instaurer un contrôle beaucoup plus étroit de qui a accès à quoi sur Internet. Il cherche à “fermer certaines parties d’Internet pour empêcher les militants de l’organisation terroriste État islamique (EI) de s’emparer de nos jeunes les plus impressionnables”. Pas facile, mais Donald Trump a un plan : “Mettre les esprits brillants de la Silicon Valley” au travail pour trouver où l’EI se terre dans le cyberespace.
Pour assurer la sécurité des États-Unis, Donald Trump laisse les services de renseignement installer des portes dérobées (programmes pour avoir un accès à distance) dans les produits tech pour mieux surveiller. Il a toujours été du côté des revendications des autorités en la matière. Il avait ainsi appelé à boycotter Apple lorsque le groupe avait refusé d’aider le FBI à contourner la sécurité de l’iPhone pour s’introduire dans le smartphone de l’un des tireurs de San Bernardino.
Hillary Clinton, dans les cybertraces d’Obama
Hillary Clinton fait son entrée à la Maison Blanche sous les applaudissements de la Silicon Valley. Il faut dire qu’elle a gâté ce petit monde. Elle met d’ailleurs rapidement en œuvre un plan, esquissé pendant la campagne, pour intéresser davantage d’Américains aux carrières technologiques. Tout passe, pour elle, par l’éducation : faire entrer les matières technologies dans le cursus des écoles publiques, former davantage de professeurs en ce sens et allouer des bourses spécifiques pour ces filières.
Pour le reste, Hillary Clinton maintient le cap technologique de Barack Obama. Elle soutient la neutralité du Net qui, comme elle l’avait assuré lors d’une conférence, est le meilleur rempart contre la tentation d’un secteur télécom de plus en plus concentré de faire ce qu’il veut.
L’ex-first Lady tente également le même numéro d’équilibriste que Barack Obama sur les questions de vie privée et cybersurveillance. Hillary Clinton défend le droit de la NSA d’utiliser les technologies dernier cri pour assurer la sécurité nationale mais répète, comme elle l’a fait durant la campagne, que les autorités “ne doivent pas aller trop loin”. Elle reste cependant évasive sur les limites qu’elle impose à ses cyberespions.
Elle est, de toute façon, plus va-t-en cyberguerre que son prédécesseur. L’ancienne secrétaire d’État avait assuré, lors du premier débat présidentiel en septembre 2016, que la lutte contre les pirates informatiques, qu’ils soient de simples criminels ou des agents à la solde de puissances étrangères, représentait l’une de ses priorités. Elle a clairement désigné la Russie comme le commanditaire des dernières attaques informatiques subies par les États-Unis. Les relations avec le Kremlin ne sont donc pas au beau fixe, d’autant qu’Hillary Clinton n’a jamais caché qu’elle utiliserait toutes les cyberarmes de son arsenal pour répliquer.
Reste le problème de sa messagerie électronique. Elle a promis qu’on ne la prendrait plus la main dans le sac à utiliser un service de messagerie privée pour des communications officielles, comme elle a pu le faire lorsqu’elle était secrétaire d’État. Mais le passif pèse, et elle reste soupçonnée d’utiliser des canaux de communication non officiels, même s’ils sont moins sûrs.