logo

Côte d'Ivoire : les électeurs appelés à se prononcer sur la nouvelle Constitution

Les électeurs ivoiriens ont voté dimanche lors du référendum portant sur l'adoption d'une nouvelle Constitution pour le pays, voulue par le président Alassane Ouattara. L'opposition appelait au boycott.

Les quelque 6,3 millions d'électeurs ivoiriens étaient appelés aux urnes, dimanche 30 octobre, afin de se prononcer sur un projet de réforme constitutionnelle sur lequel compte le président Alassane Ouattara pour tourner définitivement la page de la guerre civile.

Le scrutin, que l'opposition avait appelé à boycotter, a été émaillé d'une centaine d'incidents dans les 20 000 bureaux de vote à travers le pays, les autorités assurant toutefois que le processus se déroulait "bien dans l'ensemble".

L'appel au boycott de l'opposition, qui accuse le président d'avoir promu un texte à sa mesure pour renforcer son pouvoir, risque toutefois d'entacher le résultat et de rouvrir les plaies dans une société ivoirienne qui reste marquée par les longues et sanglantes crises qu'elle a traversées.

L’"ivoirité" en question

Le projet de constitution revient sur le concept "d'ivoirité", qui obligeait jusqu'ici les candidats à la magistrature suprême à être nés d'un père et d'une mère d'origine ivoirienne. Ses détracteurs avaient reproché à Alassane Ouattara son origine burkinabè et contesté son éligibilité (il n'avait pu se présenter que grâce à un décret).

Ce concept d'"ivoirité", qui visait les étrangers, notamment ceux originaires du Burkina Faso souvent présents depuis plusieurs générations, a miné depuis le début des années 2000 la stabilité du pays. Pendant dix ans, la Côte d'Ivoire a été coupée en deux entre un nord rebelle et un sud favorable à l'ancien président Laurent Gbagbo.

Le deuxième point de contestation, explique Anna Sylvestre-Treiner, correspondante de France 24 sur place, est la création d'une vice-présidence "pour assurer la stabilité du pays, argue Alassane Ouattara, mais pour l’opposition, ce poste est un peu flou. (…) Tout ce qu’on sait pour l’instant, c’est qu’en cas d’empêchement ou de décès du président, c’est le vice-président ivoirien qui prendra le relai."

Enfin, troisième mesure problématique, le nouveau texte constitutionnel entend mettre en place un Sénat "dont un tiers des membres seront directement nommés par le président", précise Anna Sylvestre-Treiner.

L'opposition déplore enfin que les Ivoiriens n'aient eu que deux semaines à peine pour prendre connaissance du projet de 154 pages, que le Parlement a approuvé le 11 octobre.

Une mesure, toutefois, n'est pas contestée : il s'agit de l'inscription dans la Constitution de l'éducation obligatoire et l'égalité entre hommes et femmes.

Circonspection des organisations de défense des droits de l’Homme

"Il y a une sorte de fait accompli", a regretté un diplomate basé à Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire. "On peut dire ce que l'on veut du texte, le processus aurait pu être plus transparent. C'est une occasion manquée."

De fait, faute de véritable débat public sur le projet de Constitution, les divisions nées de la guerre civile resurgissent à l'occasion du référendum. "Cette constitution concrétise la colonisation d'une grande partie de notre pays par les gens qui viennent d'ailleurs", a ainsi déclaré mercredi Innocent Anaki Kobena, ministre de Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien désormais incarcéré auprès de la Cour pénale internationale à La Haye.

Les organisations de défense des droits de l'Homme regardent elles aussi le projet avec circonspection, notamment le fait que la Constitution puisse à l'avenir être modifiée avec l'appui des deux tiers du Parlement, une institution actuellement largement contrôlée par les partisans d'Alassane Ouattara. "Si un président a la majorité au Parlement, il peut faire ce qu'il veut avec la constitution. Ça, pour nous, c'est problématique", a déclaré Nathalie Kouakou Yao N'Guessan, présidente du bureau exécutif local d'Amnesty International.

Avec Reuters