logo

Mails publiés par WikiLeaks : un scandale à la Trump pour le camp Clinton ?

Les scandales qui ont éclaboussé la campagne de Donald Trump semblent plus graves que ceux qui ont émaillé celle d’Hillary Clinton. Pourtant la publication des courriels de la candidate par WikiLeaks peut être politiquement tout aussi dangereuse.

Les retranscriptions de trois conférences payantes que la candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine, Hillary Clinton, a donné devant un parterre de banquiers de Goldman Sachs : telle est la principale révélation de la dernière livraison de courriels de John Podesta, chef de campagne de la candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine, publiés par WikiLeaks, samedi 15 octobre.

Le site de mise en ligne de documents confidentiels ajoute presque quotidiennement des nouveaux courriels issus de la messagerie de John Podesta depuis début octobre. Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, a assuré avoir la matière - plus de 50 000 courriels - pour garder le robinet à révélations ouvert jusqu’à l’élection.

Stratégie du “pourrissement maximum”

À ce jour, aucune des révélations issus de la messagerie du président de campagne d’Hillary Clinton n’a eu l’impact médiatique des scandales qui éclaboussent le candidat républicain Donald Trump. Les propos outranciers et sexistes du milliardaire marquent davantage l’opinion américaine que des messages soulignant le double langage de son adversaire sur des sujets comme la finance.

Mais un flot ininterrompu de petites révélations peut ternir une réputation aussi durablement que quelques affaires tonitruantes. Pour Florian Silnicki, expert en stratégie et fondateur de l’agence de communication de crise LaFrenchCom, le risque est similaire pour les deux candidats : "Chacun mise sur le fait que celui qui aura été le moins discrédité sera élu."

D’où ce qu’il appelle une stratégie du “pourrissement maximum” qui semble être la marque de fabrique de cette campagne électorale. Seul l’objectif varie : le camp d’Hillary Clinton cherche à dépeindre “Donald Trump en DSK en puissance, alors que l’équipe de Trump tente de démontrer l’incompétence de son adversaire à travers l’histoire des emails et du non-respect des consignes de sécurité”, explique Florian Silnicki. Apparaître comme incompétent peut devenir rapidement politiquement mortel : c’est ce qui avait coûté la présidentielle à Ségolène Royal en 2007, assure l’expert français en communication.

Il est, en outre, difficile de faire face à des révélations en cascades. Une professionnelle aguerrie de la politique du calibre d’Hillary Clinton s’est pris les pieds dans l’affaire des mails publiés par WikiLeaks. “Elle a adopté une stratégie de communication particulièrement maladroite en n’anticipant pas le feuilletonnage de cette affaire”, remarque Florian Silnicki. La candidate a ainsi laissé, dans un premier temps, des membres de son équipes mettre en doute l’authenticité des messages publiés. Une ligne de défense qui n’a pas résisté à l’accumulation des courriels mis en ligne.

Théorie du complot

L’ex-Secrétaire d’État a ensuite eu recours à la théorie du complot pour discréditer les révélations de WikiLeaks. Le site fondé par Julian Assange serait devenu le bras armé de la propagande de Moscou, accusé de rouler pour Donald Trump, perçue comme davantage russophile. Elle “mise sur l’ennemi extérieur, ce qui sert toujours à rassembler son camp”, explique Florian Silnicki, qui ne juge pas cette approche adaptée à la situation d’Hillary Clinton. Le risque de voir des électeurs démocrates voter Donald Trump est plutôt faible et la candidate devrait plutôt tenter de séduire les indécis.

Les difficultés rencontrées par Hillary Clinton pour se dépêtrer de ce feuilleton des courriels démontre la dangerosité politique de ce type de scandale. Surtout lorsque les messages publiés renforcent “l’image que les Américains avaient déjà de la candidate”, note le communicant français. Ils donnent, en effet, l’image d’une femme calculatrice capable de dire une chose en public et son contraire en privé et plus à l’aise avec les puissants et les riches qu’avec le commun des électeurs.

Pourtant, l’ex-first lady caracole en tête des sondages. Une avance due en partie à l’incapacité de son adversaire à se défaire de ses propres casseroles. “Donald Trump a choisi une stratégie de gestion de crise politique classique mais lamentable, celle du déni. C'est la stratégie la plus tentante pour les candidats, c'est aussi la plus dangereuse à l'heure des réseaux sociaux et de la transparence attendue par l'opinion publique. Elle n'est à appliquer que si les preuves sont faibles, inexistantes ou attaquables”, remarque Florian Silnicki. Difficile de nier des propos misogynes enregistrés et diffusés par un média aussi respectable que le Washington Post. Les excuses que Donald Trump a été obligé de présenter suite au tollé de la vidéo de 2005 ont jeté le doute sur ses précédentes dénégations.