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Alors que les sondeurs et les médias annoncent déjà le duel Juppé-Sarkozy au deuxième tour de la primaire de la droite, les cinq autres candidats espèrent changer la donne grâce à trois débats télévisés, dont le premier se tient jeudi soir sur TF1.

"Captation", "rapt", "pressions sondagières" : les deux porte-paroles de François Fillon, Valérie Boyer et Jérôme Chartier, n’avaient pas de mots assez durs, mardi 11 octobre, lors de leur point presse hebdomadaire, pour critiquer le rôle joué par les sondages dans la campagne de la primaire de la droite et du centre (20 et 27 novembre). En plaçant systématiquement Alain Juppé et Nicolas Sarkozy largement en tête des intentions de vote, ceux-ci sont accusés d'aider ces deux candidats en laissant croire aux électeurs que le premier tour est déjà plié. Mais "le duo de tête n’existe que dans les sondages", affirme Valérie Boyer. "Les Français ne savent pas encore pour qui ils vont voter", assure de son côté Jérôme Chartier.

Même son de cloche chez Bruno Le Maire. "Aujourd’hui la primaire est verrouillée par un duel entre un ancien président de la République et un ancien Premier ministre, ce qui empêche l’émergence d’autres forces", regrettait-il ainsi, mardi matin, sur RTL.

Comme depuis le début de la campagne, la dernière livraison de Kantar Sofres-OnePoint, publiée le 10 octobre, place en effet Alain Juppé (42 %) et Nicolas Sarkozy (28 %) en tête des intentions de vote. Suivent ensuite, loin derrière, Bruno Le Maire et François Fillon (tous deux à 11 %), Nathalie Kosciusko Morizet (4 %), et enfin Jean-François Copé et Jean-Frédéric Poisson (tous deux à 2 %).

Pour les cinq candidats "invisibles", le premier des trois débats télévisés, qui sera diffusé jeudi soir en direct sur TF1, à partir de 21 h 00, constitue donc un rendez-vous crucial, l’occasion d'être vu et entendu, et de se donner une chance au premier tour.

Face aux Français, leur premier défi sera de faire oublier les sondages. "La mobilisation qu’on voit sur le terrain, lors de nos meetings, lors de nos opérations de tractage, ne correspond pas du tout à ce qu’on voit dans les médias", explique à France 24 l’entourage de Bruno Le Maire, qui ne devrait pas manquer d’insister sur ce point.

Un membre de l’équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet rappelle, lui, qu’en 2011, lors de la primaire de la gauche, Arnaud Montebourg avait obtenu plus de 17 % des suffrages au premier tour, soit nettement plus que les 10-12 % que lui accordaient les sondages.

"Les Français vont peut-être écrire une autre histoire, veut croire, quant à elle, la porte-parole de François Fillon. Il y a une prise de conscience chez eux que l’élection présidentielle se joue en quatre tours et que le premier" se déroule le 20 novembre.

"Insister sur ce qui différencie notre programme de celui des autres"

Le débat télévisé permettra enfin de mettre tous les candidats sur un pied d’égalité, estiment tous les proches des candidats contactés par France 24. Son déroulement sera encadré par des règles strictes : chacun des sept candidats aura d’abord une minute pour se présenter, puis viendra le temps des questions-réponses portant sur deux thèmes (la première heure sur l’économie et le social et la deuxième heure sur la sécurité, l’identité et le terrorisme), durant lesquelles tous auront le même temps de parole, soit environ 15 minutes chacun sur l’ensemble de l’émission. Les candidats pourront également s'interpeller, à condition de ne pas dépasser 30 secondes.

Un traitement bien différent, il est vrai, de celui choisi par la majorité des médias jusqu’ici. Selon le dernier baromètre mensuel JDD/Pressedd, qui relève la présence médiatique en septembre des candidats à la primaire de la droite et du centre, les noms de Nicolas Sarkozy (6 854 citations) et d’Alain Juppé (3 330 citations) ont ainsi été bien davantage cités que ceux de François Fillon (2 011 citations), de Bruno Le Maire (1 762 citations) ou de Nathalie Kosciusko-Morizet (1 038 citations).

De même, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont tous les deux eu droit, avant le débat de jeudi soir, à leur invitation pour "L’Émission politique" de France 2, quand la participation de Bruno Le Maire et François Fillon à ce programme a donné lieu à des tractations et que celle des autres candidats n’est pas prévue.

"Si vous offrez une exposition médiatique plus importante à une personne, de fait vous lui permettez de faire la pédagogie de son programme et de sa personnalité, souligne un proche de la députée de l'Essonne. Or, non seulement Nathalie Kosciusko-Morizet a été moins souvent invitée à parler, mais en plus, pendant six mois, 50 % du temps des questions qui lui étaient posées étaient liées à ses parrainages. Au final, 50 % de ses passages médias ont été pollués."

Bruno Le Maire a affirmé mardi matin sur RTL que les débats télévisés allaient permettre de "rentrer dans le vif du sujet", de "confronter les propositions, confronter les projets".

Mais encore faudra-t-il savoir être intelligible et convaincant. "Avec seulement une minute pour répondre à chaque question et seulement une quinzaine de questions, l’exercice est compliqué, reconnaît l’entourage de Bruno Le Maire. Il faudra être bon dans la forme et sur le fond, avec des réponses courtes et insister sur ce qui différencie notre programme de celui des autres. Car on ne cesse d’entendre et de lire que tous les candidats ont le même programme, ce débat sera l’occasion de montrer que ce n’est pas vrai."

En coulisses, les derniers jours ont donc été mis à profit pour se préparer au mieux avant l’heure fatidique : mise en situation avec des soutiens jouant le rôle des candidats adverses, synthèse des propositions, écriture de réponses formatées ou encore travail sur la posture à adopter derrière le pupitre. Rien ne sera laissé au hasard. Les "invisibles" de la primaire de la droite savent qu’ils n’auront peut-être pas d’autre occasion de rebattre les cartes.