Le référendum sur les relocalisations de réfugiés en Hongrie, qui a vu le "non" l'emporter largement, a été invalidé, faute d'avoir mobilisé suffisamment d'électeurs. Un revers pour le Premier ministre Viktor Orban.
C’est une défaite pour le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Dimanche 2 octobre, son référendum sur les quotas de réfugiés, en forme de défi à l'Union européenne (UE), a réuni moins de 45 % des électeurs. Faute d'avoir mobilisé un nombre suffisant de votants, ce scrutin est donc invalidé.
Ceux qui ont voté ont massivement exprimé (98,32 %) leur rejet des relocalisations de réfugiés au sein de l'UE, mais ils n'ont pas été assez nombreux pour que le chef de l'exécutif remporte cette consultation à forte valeur symbolique.
"C’est une grande surprise, c’est la première grande défaite de Viktor Orban et on ne l’attendait pas car le gouvernement a énormément investi dans la campagne de communication autour de ce référendum. Il a dépensé plus de 30 millions d'euros, des affiches ont été posées dans le moindre petit village, cela fait des mois que les médias diffusent des reportages xénophobes sur les migrants […]. Cette campagne a peut-être été excessive, le gouvernement est peut-être allé trop loin dans le harcèlement", estime Florence La Bruyère, correspondante de France 24 en Hongrie.
"Sur le plan de politique intérieure, c'est un échec à relativiser, nuance Yves Bertoncini, directeur de l'Institut Jacqes Delors, sur le plateau de France 24. Plus de 98 % - ce qui est un score étrange dans une démocratie -, ont décidé de soutenir Viktor Orban. Cela fait plus de voix qu'aux législatives de 2014 où il n'avait fait que 45 %."
L’ultra-conservateur Viktor Orban refuse en tous cas d’y voir un échec. "’Bruxelles ou Budapest’, telle était la question, et nous avons dit ‘Budapest’. Nous avons décidé que la question [migratoire] relevait de la juridiction de la Hongrie", s'est félicité le dirigeant qui avait pensé ce référendum comme un défi à la gouvernance de l’UE, au nom de la souveraineté des nations.
L’UE "ne pourra pas imposer sa volonté à la Hongrie", a-t-il martelé. Selon ses déclarations, dimanche soir, le Premier ministre entend ainsi donner une force légale au vote des électeurs en proposant "un changement constitutionnel pour refléter la volonté du peuple".
Aucune place d'accueil pour les réfugiés relocalisés
"Il veut continuer la bataille", mais "sur la scène internationale, c'est une défaite", analyse pour l'AFP Bulcsu Hunyadi, de l'institut Political Capital, selon lequel "la position d'Orban à la table des négociations est affaiblie". Porté par le discours d'un gouvernement qui assimile l'immigration à une menace culturelle, aux violences, au terrorisme, Budapest n'a proposé à ce jour aucune place d'accueil pour les réfugiés relocalisés.
La Hongrie souhaitait, par ce référendum, s'affranchir de toute obligation de contribuer à cet effort européen. Le pays est censé accueillir au moins 1 294 réfugiés en vertu du plan européen de répartition de 160 000 personnes adopté il y a un an pour soulager les pays d'arrivée des migrants en Europe, la Grèce et l'Italie.
Peaufinant sa stature de leader d'une Europe populiste et anti-immigration, qui a le vent en poupe dans les urnes, de la France à l'Autriche, Orban s'était dit "fier", samedi, que les Hongrois soient "les premiers" en Europe à ce prononcer sur l'accueil des réfugiés pour combattre les décisions de "l'élite à Bruxelles".
L'opposition et les ONG de défense des droits de l'Homme avaient appelé au boycott ou au vote nul dénonçant une "campagne de peur" dans un pays qui a vu transiter 400 000 migrants durant la crise de l'année 2015 et a dressé des barbelés à ses frontières avec la Serbie et la Croatie. Selon l'analyste Bulcsu Hunyadi, même des électeurs du parti Fidesz du Premier ministre se sont sans doute abstenus "en raison de cette campagne trop biaisée".
"Les Hongrois ne sont pas anti-européens, souligne Yves Bertoncini. Il est probable que parmi les abstentionnistes, il y en ait qui n'ont pas voulu s'engager dans ce bras de fer avec l'UE."
Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, pourra-t-il continuer à faire du rejet des migrants le centre de sa politique, comme c'est le cas depuis plus d'un an ? Le résultat du référendum pose la question, selon les analystes. Le dirigeant du parti d'extrême droite Jobbik, Gabor Vona, seul véritable rival du Fidesz de Viktor Orban en vue des législatives de 2018, a appelé, après les résultats, à la démission du Premier ministre.
Avec AFP