Aucun grand pays n’a encore félicité le président gabonais sortant, Ali Bongo Ondimba, pour son second mandat à venir, plus de deux jours après la validation de sa réélection par la Cour constitutionnelle du pays.
La validation de la réélection du président gabonais Ali Bongo Ondimba, vendredi 23 septembre, a été accueilli sans enthousiasme par la plupart des partenaires historiques du Gabon.
Une réception glaçante traduite par l’absence des traditionnels messages de félicitation de la part de plusieurs pays, dont certains, comme la France, se sont contentés de noter des "doutes" persistants au sujet de cette validation électorale par la Cour constitutionnelle du Gabon.
"La France constate que l'examen des recours n'a pas permis de lever tous les doutes", a publiquement regretté le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault.
"Nous n'avons besoin de personne pour parler des problèmes du Gabon", a répliqué Ali Bongo sur la radio RFI. "L'ingérence n'est pas une bonne chose", insistait-il.
À Libreville et dans le reste du pays, la situation était toujours calme dimanche, alors que la première proclamation de la victoire d'Ali Bongo le 31 août avait provoqué des morts, des émeutes et des arrestations par centaines.
Les relations entre Paris et Libreville ne sont plus ce qu'elles étaient, notent à l'unisson les fins connaisseurs du "village" franco-gabonais. François Hollande est le premier président français à ne pas avoir fait le voyage de Libreville pendant son mandat depuis Charles de Gaulle.
Bien que diplômé de l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne comme de nombreux cadres gabonais, Ali Bongo se montre bien moins francophile que son père Omar, appréciant de mettre les Français en concurrence avec les géants asiatiques de la mondialisation.
Paris de son côté a vidé en partie le camp militaire de Gaulle de Libreville, préférant concentrer ses forces dans le Sahel, théâtre d'opérations anti-jihadistes. La France soigne ses relations avec le président tchadien Idriss Déby Itno, dont la réélection en avril est tout autant contestée par l'opposition à Ndjamena, mais dont l'armée représente un allié stratégique incontournable.
Appels au dialogue politique
Contrairement aux commentaires de la télévision d'État Télé Gabon, l'Union africaine (UA), le "syndicat des chefs d'État africains", n'a pas non plus félicité Ali Bongo, qui commence à 57 ans un second septennat.
Le président en exercice de l'UA, le tchadien Idriss Deby justement, a tout juste "pris acte de la décision de la Cour constitutionnelle", tout comme le Maroc – grand ami du Gabon – et l'ambassade des États-Unis à Libreville.
Ces messages sans chaleur comportent des injonctions envers les autorités et l'opposition, au nom de la paix civile dans ce petit pays de 1,8 million d'habitants riche en pétrole, ressources forestières et minières.
Paris demande aux autorités de "prendre les initiatives qui restaurent la confiance des Gabonais en leurs institutions et n'éloignent pas le Gabon des normes internationales en matière de droits de l'Homme et d'État de droit".
L'ex-puissance coloniale demande aussi à Jean Ping et les siens "de poursuivre leurs revendications selon des voies qui ne remettent pas en cause la paix et le bien-être du pays".
Régnant dans son pays d'une main de fer, le président tchadien invite son homologue gabonais "à créer les conditions nécessaires et propices à un dialogue politique", ainsi que l'opposition "à privilégier le dialogue et la concertation".
Quant aux États-Unis, ils posent la question "des arrestations arbitraires" et des coupures d'Internet toujours en vigueur la nuit, après la décision de la Cour qui "peut sembler problématique pour certains".
Le ministre gabonais des Affaires étrangères, Emmanuel Issoze-Ngondet, a invité samedi soir, depuis la tribune de l'ONU, la communauté internationale à soutenir l'appel d'Ali Bongo "à un dialogue inclusif, à la réconciliation et à l'unité".
Au-delà des déclarations diplomatiques, aucun incident n'est à relever au Gabon depuis la proclamation de la Cour constitutionnelle dans la nuit de vendredi à samedi.
Dimanche matin, les forces de sécurité maintenaient une présence discrète sur le front de mer de Libreville près du palais présidentiel. Retour à la normale ? Pas encore. Samedi soir, les rues des quartiers Louis et Montagne-Sainte, hauts lieux de la vie nocturne surtout les week-ends, étaient désertes.
"Quatre semaines que cela dure. Il est temps que cela cesse", se désolait la gérante de l'Oxy, un restaurant-boîte de nuit entièrement vide.
Avec AFP