Trois ans de prison avec sursis et 45 000 euros d'amende ont été requis à l'encontre de Serge Biechlin, l'ex-directeur de l'usine AZF de Toulouse dont l'explosion avait fait 31 morts en septembre 2001.
AFP - Le parquet a requis mercredi les peines maximales prévues par la loi, 3 ans de prison, mais avec sursis, contre l'ex-directeur de l'usine AZF Serge Biechlin, et une amende de 225.000 euros contre Grande Paroisse (groupe Total), au procès de l'explosion de l'usine AZF.
Le procureur Patrice Michel a également demandé une amende de 45.000 euros contre M. Biechlin, poursuivi comme Grande Paroisse pour homicides, blessures et dégradations involontaires.
En cas de condamnation, le jugement devra être publié dans la presse et figurer pendant deux mois sur le site internet de Total, "une peine complémentaire à laquelle nous sommes sensibles", a déclaré Me Stella Bisseuil pour "l'association de victimes endeuillées".
En huit heures de réquisitoires retraçant l'enquête depuis la catastrophe qui a fait 31 morts et des milliers de blessés le 21 septembre 2001 à Toulouse, les procureurs Patrice Michel et Claudie Viaud ont mis en cause au terme de quatre mois d'audiences, "un dysfonctionnement grave dans la gestion des déchets et le recours à la sous-traitance, dans une usine pourtant classée Seveso 2".
"Grande Paroisse a baissé la garde dans deux domaines, le stockage des nitrates déclassés et le croisement des produits incompatibles", a notamment précisé Claudie Viaud qui y voit une "faute caractérisée", punissable tant au plan du droit pénal que du droit du travail, de Grande Paroisse et Serge Biechlin.
Pour Patrice Michel, "aucune condamnation ne pourra réparer les souffrances qui touchent à l'infini", mais dans cette affaire "historique", "tirer les conséquences en tous domaines, c'est notre devoir de mémoire à l'égard de tous ceux qui ont perdu la vie dans ce drame qui n'avait rien d'une fatalité".
L'accusation attribue la catastrophe au déversement accidentel sur un tas de nitrate d'ammonium du box d'entrée du hangar 221, d'un produit chloré (DCCNa) incompatible, récupéré avec une benne dans des sacs au hangar 335 par le salarié d'une entreprise sous-traitante, Gilles Fauré.
"Nos réquisitions ne concernent que M. Biechlin et Grande Paroisse", a précisé Patrice Michel, rappelant que le ministère public avait estimé irrecevables dès le début du procès les citations directes de certaines des 3.000 parties civiles, qui considèrent Total et Thierry Desmarest, l'ancien PDG du groupe pétrolier, comme les "donneurs d'ordre" chez AZF.
Le tribunal ne se prononcera sur la responsabilité pénale de Total et de M. Desmarest qu'en novembre en rendant son jugement sur M. Biechlin et Grande Paroisse.
Lors de leur réquisitoire-fleuve, les procureurs ont réaffirmé que "toutes les pistes ont été exploitées", la piste terroriste comme les autres pistes accidentelles (hélicoptère, météorite).
Ils ont rendu hommage au "travail colossal du collège des experts judiciaires, injustement attaqué par la défense" sur la thèse de l'accident chimique.
M. Michel a toutefois regretté les "déclarations hâtives du procureur (Michel Bréard à l'époque) privilégiant la thèse de l'accident" dès le 24 septembre 2001, ce qui "a jeté le doute et la suspicion sur la police, la justice et les experts".
Patrice Michel s'en est pris notamment à la commission d'enquête interne (CEI) crée par Grande Paroisse "qui a retardé, parasité l'enquête officielle, et s'est muée en comité de défense des prévenus".
La défense aura la parole du 25 au 29 juin. Me Daniel Soulez-Larivière avocat de M. Biechlin, a qualifié les peines requises de "logiques" tout en soulignant que le parquet n'avait apporté "aucune démonstration particulière"