Une youtubeuse française, invitée par le réseau social à interviewer Jean-Claude Juncker, a accusé dimanche YouTube d'avoir fait pression pour la dissuader de poser des questions polémiques au président de la Commission européenne.
Laetitia Nadji, une youtubeuse française qui a interviewé en direct le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, s'est plainte dimanche 18 septembre d'avoir subi des pressions de la part de YouTube pour poser des questions "plus lisses", ce que la plateforme vidéo a contesté.
Pourtant, la jeune femme a posté sur YouTube, dimanche, une vidéo dans laquelle elle montre, en caméra cachée, comment un salarié du réseau social a tenté de la dissuader juste avant l'interview avec le responsable européen. Sa vidéo, qui accuse YouTube de l'avoir "menacée pour plaire au président de la Commission", a réuni depuis dimanche plus de 2 millions de vues sur Facebook.
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À l’origine, il s’agissait d’une opération de communication, initiée par YouTube, qui souhaitait organiser une interview du plus haut responsable de l'Union européenne par quelques youtubeurs, comme l’entreprise l’avait fait en janvier aux États-Unis avec Barack Obama.
Parmi les trois Européens choisis figure Laetitia Nadji, une jeune femme qui sur sa chaîne donne à ses 60 000 abonnés des conseils de bien-être et de défense de l'environnement, allant des produits bio au recyclage ou aux médecines alternatives.
Tentative de dissuasion de YouTube
Pour préparer son interview qui a eu lieu jeudi en direct, la jeune femme, dont les propos sur YouTube sont habituellement apolitiques, avait demandé l'avis de ses abonnés. Ces derniers lui avaient suggéré des questions délicates pour Jean-Claude Juncker, entre autres sur la politique fiscale du Luxembourg, la nomination de José Manuel Barroso à la Goldman Sachs ou encore le lobby des industries pharmaceutiques.
Ce choix a inquiété YouTube, si l’on en croit l’enregistrement en caméra cachée diffusé par la jeune femme dimanche. On y entend un employé de la plateforme vidéo dire à Laetitia Nadji que ses questions risquent de lui mettre la Commission européenne et YouTube "à dos". Le salarié qui tente de la dissuader, lui explique qu’elle risque de ne "pas faire long feu sur YouTube".
Cette discussion n'a pas empêché Laetitia Nadji de poser à Jean-Claude Juncker, en direct, toutes les questions prévues. Par ailleurs, la jeune femme a expliqué à Rue89 avoir été étonnée de découvrir un plateau de télévision "rose", dépourvu de livres, alors que les deux autres Youtubeurs sélectionnés - des hommes - ont interviewé le responsable européen dans un décor de bureau.
Pour la jeune femme, les surprises ne se sont pas arrêtées là. Après l'interview, YouTube lui a proposé un contrat d'ambassadrice pour un an, mais elle a refusé pour éviter d'être manipulée, explique-t-elle.
Youtube réfute toute censure
De son côté YouTube a réfuté toute censure, mais reconnu lui avoir conseillé d'être "respectueuse". "Laetitia a souhaité poser des questions difficiles au président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker et, avant cet échange, nous a sollicité pour des conseils sur la manière de les formuler. Notre collègue l'a encouragée à privilégier le respect à la confrontation et comme l'atteste sa vidéo de l'interview, elle a eu l'opportunité de poser toutes les questions qu'elle avait préparées", a fait valoir un porte-parole, regrettant "une phrase malheureuse" qui pouvait ressembler à un avertissement.
La Commission a elle précisé n'avoir été informée d'aucune question à l'avance et ne pas avoir demandé à YouTube de faire pression sur la blogueuse. "Le président a pendant 25 ans de vie publique répondu aux questions des journalistes les plus chevronnés, et n'a nul besoin ni demande que quiconque adoucisse les questions pour lui", a indiqué une porte-parole.
Avec AFP