
En pulvérisant le record du monde du 10 000 m au début des épreuves d'athlétisme aux JO de Rio, Almaz Ayana a frappé un grand coup, mais a aussi soulevé des questions. Soupçonnée de dopage, l'Éthiopienne est encore en lice pour le 5 000 m.
Mise à jour : Almaz Ayana n'a pas réussi à décrocher une seconde médaille d'or lors des Jeux de Rio. Elle a terminé troisième de la finale du 5 000 m, derrière les Kényanes Vivian Cheruiyot et Hellen Obiri.
C’est avec le visage détendu, même pas marqué par l’effort, qu’Almaz Ayana a franchi la ligne d’arrivée du 10 000 m le 12 août dernier lors des Jeux olympiques de Rio. L’Éthiopienne venait pourtant de réussir un extraordinaire exploit en battant le record du monde de la distance de 14 secondes en 29’17’’45, terrassant ainsi ses adversaires.
Celle qui est surnommée la libellule par son entraîneur et mari a devancé tranquillement la Kényane Vivian Cheruiyot (29’32’’53, record national) et sa compatriote Tirunesh Dibaba (29’42’’56, record personnel amélioré de 12 secondes).
"C’était trop facile pour elle"
Mais cet incroyable chrono n’a pas manqué d’alimenter la polémique. À l’arrivée, plusieurs championnes ont exprimé leur scepticisme. "C’était trop facile pour elle. On ne voit aucun signe de fatigue sur son visage, tandis que les autres luttent pour leur survie. Je ne peux pas dire que ce n’était pas propre, mais j’ai comme un petit doute", a ainsi expliqué la Suédoise Sarah Lahti, 12e de la finale, dans le journal Expressen."Comment peut-on réussir ça ?", s’est aussi interrogé l’ancienne championne du monde du 5 000 m Sonia O’Sullivan sur l’antenne de la télévision irlandaise. "Comment un athlète peut-il battre un record aussi facilement ?".
Il faut dire que l’ancien record était lui-même déjà très suspect. Il était détenu depuis 1993 par la Chinoise Wang Junxia. Cette dernière était entraînée à l’époque par Ma Junren, connu pour battre ses athlètes et pour leur faire avaler des préparations à base de sang de tortues à carapace molle. Six d’entre eux ont finalement été suspendus pour dopage.
"Je suis claire comme de l’eau de roche"
Le doute entoure aussi la performance historique d’Almaz Ayana en raison de sa nationalité. L’Éthiopie, à l’instar de la Russie et du Kenya, est en effet depuis plusieurs mois dans le viseur des agences antidopage. Interrogée à ce sujet après la finale, la nouvelle championne olympique a répondu en conférence de presse à ces accusations avec un grand sourire : "Je m’entraîne. Et je prie Dieu, qui m’a tout donné. Mon dopage, c’est l’entraînement. Et c’est Jésus. Je suis claire comme de l’eau de roche".
La championne n’a en effet jamais été contrôlée positive. Son premier record, elle le bat en 2010 à Bruxelles en établissant un nouveau record du monde junior du 3 000 m steeple. Mais elle délaisse ensuite cette distance pour se consacrer au 5 000 m. En 2013, elle remporte une première médaille aux Mondiaux dans cette épreuve en se classant troisième à Moscou, puis deux ans plus tard, elle monte sur la plus haute marche du podium à Pékin.
Malgré ses bons résultats, la jeune Éthiopienne, âgée de 24 ans, était jusqu’à présent dans l’ombre de sa compatriote et idole Tirunesh Dibaba, triple médaillé d’or aux JO et quintuple championne du monde. "Je me disais : ‘Est-ce qu’un jour je ferai comme elle ?’", avait confié Almaz Ayana à l’AFP.
Vers un second record du monde ?
Mais cette admiration s’est très vite transformée en rivalité entre Ayana, née dans la région de Benishangum-Gumuz dans l’ouest de l’Éthiopie et Dibaba, originaire de Bekoji, une petite ville des hauts plateaux, fief des meilleurs athlètes du pays. Sur et en dehors de la piste, les deux femmes ne s’apprécient guère. Mais pendant deux ans, elles n’ont pas eu l’occasion de s’affronter en raison de la grossesse de Dibaba. Pour leurs grandes retrouvailles lors du 10 000 m à Rio, la course a tourné à l’avantage de la plus jeune, qui semble désormais en passe de détrôner son aîné.
Au Brésil, Almaz Ayana a l’occasion de suivre ses traces en réalisant un doublé. Qualifiée pour la finale du 5 000 m qui a lieu vendredi, elle pourrait aussi se payer le luxe de battre un second record du monde en l'espace d'une semaine. Un record détenu depuis 2008 par Tirunesh Dibaba (14’11’’15), qui, elle, ne sera pas de la finale. En juin dernier déjà lors du meeting de Rome, Almaz Ayan avait failli le dépasser en courant cette distance en 14’12’’59, à seulement une seconde de son idole.