Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, se rend mardi à Saint-Pétersbourg, afin de réinitialiser ses relations avec la Russie. Une visite qui intervient alors que la situation entre Ankara et les Occidentaux se détériore.
Le temps est au dégel entre Ankara et Moscou. Après des mois de froid diplomatique avec la Russie, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, entend profiter de sa visite à Saint-Pétersbourg, mardi 9 août, pour se rapprocher de Vladimir Poutine, alors que les relations avec l'Union européenne et les États-Unis se tendent chaque jour en peu plus.
Ce déplacement intervient à peine un mois après la réconciliation fin juin permise par les "regrets" exprimés par le chef de l’État turc pour la destruction, en novembre, d'un avion de combat russe au-dessus de la frontière turco-syrienne. "Cette visite me semble une nouvelle étape dans les relations bilatérales, un départ à zéro, a annoncé Recep Tayyip Erdogan dans une interview à des médias publics russes. Nos pays sont des acteurs clés dans la région et ils ont beaucoup de choses à faire ensemble."
Même son de cloche en Russie où un conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov, s'attend à une "rencontre d'une importance extrême" dont l'agenda comprend le rétablissement "étape par étape de l'ensemble des relations russo-turques", ainsi que la situation en Syrie. Le fait que le président turc se rende à Saint-Pétersbourg, dans le nord-ouest de la Russie, peu après le putsch raté "est une preuve que les Turcs sont vraiment intéressés à rétablir les relations avec la Russie", a-t-il déclaré à la presse.
Vladimir Poutine a été l'un des premiers dirigeants étrangers à téléphoner à son homologue turc pour condamner le coup de force et, sans surprise, n'a pas montré les états d'âme des leaders européens et américains sur la répression qui s'en est suivie. "Erdogan se dit déçu par l'attitude de l'Occident après le putsch raté, rapporte Fatma Kizilboga, correspondante de France 24 à Istanbul. Poutine a été le premier à apporter son soutien et cela a marqué les esprits en Turquie où on considère que la réaction des Occidentaux est arrivée un peu trop tard."
Même si les relations entre Moscou et Ankara "connaissent leurs propres incertitudes, la détérioration des relations avec les puissances occidentales pourrait accélérer un rapprochement", souligne à l’AFP une analyse du European Council on Foreign Relations.
Tourisme, gazoduc et dossier syrien
Le crash d'un bombardier russe abattu par l'aviation turque au-dessus de la frontière turco-syrienne a déclenché en novembre une grave crise dans les relations entre Moscou et Ankara. La Russie avait alors adopté des mesures de rétorsion économique contre la Turquie.
Mais après des mois d'invectives entre les deux dirigeants, Moscou a accepté avec une rapidité inattendue la main tendue par Ankara, en ordonnant aussitôt la levée de ses sanctions dans le domaine touristique crucial, très affecté par la désertion des Russes.
"Il va être beaucoup question, durant cette visite, de relancer le commerce qui était quasiment au point mort entre les deux pays, indique Fatma Kizilboga. Il s'agira pour Erdogan d'inviter les touristes russes à se rendre de nouveau dans son pays, de convaincre la Russie de lever les interdictions pesant sur certains produits turcs, mais aussi de s'entendre sur la question du gaz, dont Ankara est très dépendant."
Le projet de gazoduc TurkStream qui devait acheminer 31,5 milliards de m3 par an en Turquie via la mer Noire et la centrale nucléaire de Akkuyu devrait aussi redevenir d'actualité. Recep Tayyip Erdogan a d'ores et déjà assuré être prêt à "prendre des mesures immédiates" pour la relance de ce projet.
Reste la crise syrienne sur laquelle les positions divergent quelque peu. Si le président turc insiste toujours sur le départ du pouvoir du Syrien Bachar al-Assad, Moscou s'y oppose fermement. Mais Ankara reconnaît toutefois le rôle crucial des Russes dans le règlement du conflit. "La Russie est un acteur clé et très important pour l'instauration de la paix en Syrie", a déclaré Recep Tayyip Erdogan, en soulignant que "ce problème [devait] être réglé à l'aide des mesures communes prises par la Russie et la Turquie".
Avec AFP