Six jours après l'attentat de Nice, le débat fait rage autour du dispositif de sécurité mis en place le soir du 14-Juillet dans la ville. Certains élus et experts pointent du doigt des failles et des manquements des forces de l'ordre.
Des policiers en nombre insuffisant, une absence de filtrage, des barrages inopérants... Six jours après l'attentat de Nice, l'État et la municipalité se renvoient dos à dos les responsabilités concernant les failles du dispositif de sécurité.
- Une présence policière et militaire insuffisante
Selon le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, le dispositif mis en place pour le 14-Juillet à Nice répondait "à un très haut niveau de sécurité". La préfecture des Alpes-Maritimes précise que "64 fonctionnaires de la police nationale et 42 de la police municipale" étaient mobilisés mais aussi 20 militaires de la mission Sentinelle, soit cinq patrouilles.
Des chiffres contestés par Christian Estrosi, premier adjoint Les Républicains de Nice. "Les policiers étaient moins nombreux [qu'en 2015] alors que nous étions pourtant en plein état d'urgence", a déclaré l'élu dans une interview parue ce mercredi dans le quotidien régional Nice Matin.
À l’origine, un dispositif policier plus important était prévu par les autorités. Le 28 juin, les hauts-fonctionnaires et représentants de la région et municipalité prévoyaient un "barriérage avec filtration du public, comprenant une ouverture systématique des sacs et palpations des spectateurs", selon les informations du Canard enchaîné, paru mercredi 20 juillet. Mais faute d’hommes disponibles ce week-end-là, les autorités locales et nationales, réunies à nouveau le 7 juillet, prennent la décision d’annuler ce dispositif pour de simples "contrôles aléatoires". Une mesure pourtant appliquée pour d’autres manifestations estivales comme le Nice Jazz Festival ou le Festival des nuits du Sud.
Si cet allègement du dispositif n’aurait rien changé à l’attentat de Nice, puisqu’aucun jihadiste n’a tenté de poser une bombe ou de tirer armé au milieu de la foule, il semble que toutes les précautions n’ont pas été prises.
- Absence de chicane
D’autres dispositifs ont plus sérieusement fait défaut le soir du 14-Juillet. La mise en place de blocs de béton disposés de part et d’autres de la Promenade des Anglais auraient peut-être pu ralentir ou entraver la course folle du camion. Des chicanes étaient pourtant présentes sur la fan zone de la place Massena, lors de l’Euro-2016.
Pour bloquer les accès de part et d'autres de la Promenade des Anglais, le ministère de l'Intérieur affirme que des véhicules de police ont été stationnés pour faire barrage. D'après une information révélée par Libération, jeudi 21 juillet, il semblerait qu'il n'y avait aucun véhicule de la police nationale barrant le passage mais un seul véhicule, celui des agents municipaux, positionné côté mer, "sans pour autant être en mesure de bloquer le passage", précise le quotidien. Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’a eu qu’à monter sur l’accotement avec son camion pour contourner l’obstacle.
- Présence illégale du camion
Par ailleurs, le camion du tueur n’aurait jamais dû circuler dans la ville ce 14-Juillet. "Sur l’ensemble du réseau routier, les véhicules ou les ensembles de véhicules de plus de 7,5 tonnes [...] affectés aux transports routiers de marchandises dangereuses ou non-dangereuses, à l’exclusion des véhicules spécialisés et des matériels et engins agricoles, n’ont pas le droit de circuler du samedi 22 h au dimanche 22 h ainsi que les jours fériés", indique un arrêté préfectoral.
Une faille d’autant plus surprenante que le camion est passé à quatre reprise dans le centre-ville de la ville quelques heures avant l’attentat pour repérer les lieux, comme l’a rappelé Philippe Molins, le procureur de la République de Paris, dans son compte-rendu. "Plusieurs selfies de l'auteur ont été pris le 14 juillet sur la promenade des Anglais." Et de poursuivre, l'un à 13 h 43 devant la plage. Un second à 16 h 02 devant un camion remorquant un char d'assaut. Un troisième à 16 h 42 sur la Promenade des Anglais. Enfin, un quatrième à 19 h 25 devant une allée piétonne".
Patrick Mortigliengo, président de la Fédération nationale des transports routiers des Alpes-Maritimes ne comprend pas un tel manquement des forces de l’ordre. "Ils ne dormaient pas j'espère ! Pincez-moi, je rêve ! Un camion passe quatre fois sur la Promenade le 14 juillet et personne ne voit rien ! Elles nous servent à quoi toutes ces caméras ? ", s’est-il indigné sur les ondes France Bleu Azur.